Écouter l’homélie du 28 février 2016, 3° dimanche de carême, à la paroisse Saint Aubin : l’indulgence plénière.
Diaporama téléchargeable « Comprendre l’indulgence plénière »
Vivre une démarche pratique de conversion
1 • Recevoir le Sacrement de Réconciliation en le préparant et en le vivant du fond du cœur. Une des conditions pour recevoir l’indulgence plénière est l’exclusion de toute affection envers quelque péché que ce soit, même véniel.
2 • Participer au Sacrement de l’Eucharistie le jour même choisi pour obtenir l’indulgence
3 • Dans la démarche de pèlerinage, témoigner de sa communion avec l’Église : a — en priant aux intentions du Saint Père b — en participant à une célébration liturgique ou en vivant un exercice de piété ou en se donnant un temps de méditation, conclu par le Notre Père, la profession de foi, et l’invocation de la Vierge Marie.
4 • En vivant des actions de charité et de pénitence, de miséricorde par exemple – visiter des frères qui se trouvent dans la nécessité ou dans la difficulté – s’abstenir pendant une journée de choses superflues et donner aux pauvres une somme proportionnelle – soutenir par une contribution significative des œuvres à caractère religieux et social – consacrer une partie convenable de son temps libre à des activités qui ont un intérêt pour la communauté, ou d’autres formes semblables de sacrifice personnel
5 • Accueillir le cadeau de l’indulgence (Pape François, 1er sept 2015) Ma pensée va, en premier lieu, à tous les fidèles qui, dans chaque diocèse ou comme pèlerins à Rome, vivront la grâce du Jubilé. Je désire que l’indulgence jubilaire soit pour chacun une expérience authentique de la miséricorde de Dieu, qui va à la rencontre de tous avec le visage du Père qui accueille et pardonne, oubliant entièrement le péché commis. Pour vivre et obtenir l’indulgence, les fidèles sont appelés à accomplir un bref pèlerinage vers la Porte Sainte, ouverte dans chaque Cathédrale ou dans les églises établies par l’évêque diocésain, ainsi que dans les quatre basiliques papales à Rome, comme signe du désir profond de véritable conversion. De même, j’établis que l’on puisse obtenir l’indulgence dans les sanctuaires où est ouverte la Porte de la Miséricorde et dans les églises qui sont traditionnellement identifiées comme jubilaires. Il est important que ce moment soit uni, avant tout, au Sacrement de la Réconciliation et à la célébration de la sainte Eucharistie par une réflexion sur la miséricorde. Il sera nécessaire d’accompagner ces célébrations par la profession de foi et par la prière pour ma personne et pour les intentions que je porte dans mon cœur pour le bien de l’Église et du monde entier.
L’indulgence ?
Certains catholiques sont choqués qu’il soit toujours question, à propos du Jubilé, des indulgences. Ils voient en elles une conception commerciale et comptable du salut. Il faut pourtant en parler, car elles sont un élément fondamental du Jubilé. Mais comme le Pape le fait dans la bulle d’indiction du Jubilé, il faut désormais parler de l’indulgence au singulier.
Trois données de la foi chrétienne nous permettent d’en comprendre le sens véritable.
1. L’indulgence de Dieu. Parler de l’indulgence du Jubilé, c’est parler de l’indulgence de Dieu c’est-à-dire de sa miséricorde, dont la caractéristique est d’être gratuite. L’indulgence est quelque chose qu’il n’est pas possible de payer ni d’acheter. Il est donc impropre de dire que nous gagnions l’indulgence. Nous l’accueillons. Mais cet accueil demande un certain nombre de dispositions de notre part.
2. La peine temporelle (par opposition à la peine éternelle) du péché. Commettre un péché, c’est poser un acte concret de refus d’aimer Dieu, soit directement (négation consciente et libre de Dieu ; blasphème ; refus de prier, etc..), soit à travers ce que Dieu nous a confié pour réaliser notre vocation d’hommes et de femmes (notre intelligence, notre cœur, notre corps, la santé, l’argent, l’univers matériel, etc). L’indulgence ne remplace pas le sacrement de pénitence. Le pardon de nos actes de péché ne peut être donné que dans le sacrement de réconciliation.
Mais le péché même pardonné laisse des conséquences en nous, dans les autres, dans l’univers : augmentation de notre difficulté à aimer, aggravation de notre égoïsme foncier et de notre inclination au mal ; renforcement des mauvaises habitudes ; déséquilibre dans notre psychisme et dans notre inconscient ; blessures durables en nous et chez les autres ; détérioration des relations sociales, propension à la violence entre personnes, groupes, peuples ; désordre dans l’univers et destruction de la création. Tout péché cause des atteintes durables plus ou moins graves à la dignité humaine, à la vie, à la création.
Le sacrement de pénitence ne supprime pas ces conséquences et la nécessité de les réparer. Quel que soit le péché que je commets, même caché, si je m’en repens vraiment et en demande pardon dans le sacrement, il est remis. Mais après le pardon reçu, il reste ses conséquences. Aucun péché n’est purement individuel. Nous sommes solidaires des autres, même inconnus, et de l’univers. Il y a une mystérieuse solidarité dans les conséquences du péché. Mon péché ne me laisse pas intact, il ne laisse pas intacts les autres, au-delà même de ce qu’il a remis directement en cause. Il ne laisse pas intact l’univers (cf. Rm 8, 18-25).
Quand le pardon de Dieu m’est accordé, je dois réparer les conséquences, rétablir l’équilibre, exclure le désordre créé en moi, dans l’humanité, dans l’univers. Pour que le pardon me soit accordé, il faut que je regrette mon péché, que j’en reconnaisse les conséquences et que j’aie la volonté de les réparer.
Tel est le sens de la pénitence (« porter la peine ») ou satisfaction (faire assez pour réparer la blessure) qui est donnée dans la confession. Ces conséquences, je ne puis pas, laissé à moi-même, les réparer totalement. Elles me dépassent, au point que souvent je ne les connais pas. J’ai besoin que d’autres m’aident à les réparer, à me guérir moi-même, à guérir les autres, à restaurer l’univers. J’ai besoin qu’intervienne la communion des saints pour m’aider à réparer le désordre et les souffrances causés.
3. La communion des saints. La communion des saints est la solidarité dans la grâce qui vient du Père par le Christ dans le Saint-Esprit. Il y a une solidarité dans le premier Adam. Il y a une solidarité plus étroite dans le deuxième et dernier Adam, le Christ (Rm 5, 12-21 ; Col 15, 45-49). La communion des saints est la mise en commun de tout ce qui est amour dans les saints. La grâce de Dieu est si puissante qu’elle donne la possibilité aux autres membres de l’Église, si nous le demandons et nous nous ouvrons à leur aide, de nous aider par leur amour à réparer les blessures faites, par nos péchés, à nous-mêmes, aux autres, à l’univers.
Réparer les conséquences du péché en nous. Résumons ce qu’est l’indulgence du Jubilé. Nous ne payons pas l’Église pour qu’elle assume à notre place la peine temporelle de nos péchés. Jamais de nous-mêmes nous ne pourrons réparer les ruines que nous avons causées en nous, dans l’humanité et dans le monde. L’indulgence demandée et accueillie nous aide à réparer les conséquences du péché en nous, en l’humanité, dans l’univers grâce à la communion des saints. La communion dans la grâce et la sainteté, venant de Dieu par le Christ sauveur, est plus efficace que la solidarité dans les conséquences du péché. En certaines occasions, l’Église, le Pape, permet aux pécheurs que nous sommes de bénéficier de la sainteté de nos frères et sœurs pour restaurer ce que nous avons détruit. C’est le sens de la formule : « puiser dans le trésor de l’Église ». Le Jubilé, spécialement le grand Jubilé de l’Incarnation du Christ qui est la révélation et la source de l’indulgence de Dieu et de la communion des saints, est une de ces occasions privilégiées.
Cette indulgence, nous pouvons l’appliquer à ceux de nos frères qui sont morts. Ils font partie de l’Église. La communion des saints les rejoint eux aussi. Ils ne peuvent pas s’appliquer à eux-mêmes cette grâce. Mais nous pouvons la demander pour eux, puisqu’ils sont membres de l’Église sur laquelle nous nous appuyons. Nous comprenons les conditions demandées, non pour gagner l’indulgence, mais pour nous mettre dans les dispositions de l’accueillir. Ces dispositions sont : * La reconnaissance de nos péchés, leur aveu personnel et la demande qu’ils soient pardonnés dans le sacrement de réconciliation ; * La participation à l’Eucharistie qui est la présence du Christ mort et ressuscité et qui nous plonge dans la réalité de la communion des saints ; * Une démarche de pèlerinage à un lieu fixé, signe de notre volonté de donner à notre vie une autre direction ; * Une prière aux intentions du Pape, manifestant notre communion à l’Église ; * Tout cela fait avec amour, et un amour particulier en cette année où d’une façon plus intense nous renouvelons notre foi au Christ sauveur, qui nous a révélé l’amour du Père et nous le donne par l’Esprit Saint.
L’indulgence n’a rien d’automatique, encore moins de magique. Nous ne pouvons l’accueillir qu’en étant ouverts à son amour par notre propre volonté d’aimer.
Conclusion. L’indulgence met en lumière et nous révèle quelque chose qui ne nous est pas naturel, à savoir que nous sommes reliés, par le plus profond de nous-mêmes et plus encore par la grâce du Christ, aux autres et à l’univers.
Refuser, plus encore, mépriser l’offre qui nous est faite de l’indulgence, serait le signe que nous nous considérons dans l’humanité et dans l’univers comme des individus isolés, et surtout que nous nous séparons de la communion des saints. Cela indiquerait que nous comptons uniquement sur nous pour nous sauver et pour réparer les dégâts faits par nos péchés. Ce serait exactement le péché de pharisaïsme, nous faisant dire : « je me suffis à moi-même pour réparer les ruines causées par mes péchés », ou peut-être même : « je suis sans péché, je n’ai donc rien à réparer ».
L’indulgence est une grâce ! Elle s’inscrit vraiment dans la ligne du Jubilé de la Miséricorde.
Mgr Raymond Bouchex, (archevêque d’Avignon décédé en 2010) DC n° 2224, 16 avril 2000. Texte adapté pour le Jubilé de 2016.