Satisfait de ma réussite religieuse
Voici deux personnes devant Dieu pour prier. Le pharisien, content de lui-même, se décerne des félicitations. Il pratique une religion de l’effort et du « donnant-donnant » : j’observe la Loi, donc je suis juste ; par conséquent Dieu me doit la récompense éternelle. Le publicain, lui, sait bien qu’il est pécheur, et sa prière est celle-ci : « Aie pitié du pécheur que je suis » (v. 13). C’est cette prière qui plaît à Dieu. C’est si facile de croire qu’on peut se passer de Dieu pour aller à Dieu et pour plaire à Dieu ! Faire des efforts pour mener une vie droite, et estimer ainsi qu’on a le droit à la bienveillance de Dieu. Ou encore, penser que cela nous fait mériter la vie éternelle parce qu’on est « dans les clous ».
Mais nous sommes irrémédiablement endettés
Ce ne sont pas nos « mérites », nos « bonnes actions », qui peuvent être notre justification pour nous approcher de Dieu. Chacun, nous avons besoin d’être graciés, comme Jésus l’a enseigné lors d’un repas chez Simon à travers une petite parabole qu’il est bon de relire (Luc 7, 41 – 43). C’est bien pourquoi Jésus nous fait demander dans le Notre Père : « Remets-nous nos dettes ». Par conséquent, le seuil de toute vraie prière consiste d’abord à se reconnaître pécheur. « Tout homme qui s’abaisse sera élevé ». Jésus reprend là un enseignement très biblique : Dieu résiste aux orgueilleux, mais il donne sa grâce aux humbles.
La prière juste est à la fois repentir et confiance
Cette petite prière : « Mon Dieu, aie pitié du pécheur que je suis ! » se prolonge dans une sœur jumelle, la prière orthodoxe dite « de Jésus » : « Jésus fils de Dieu, Sauveur, aie pitié de moi pécheur ». S’abaisser devant Dieu, ce n’est pas une attitude masochiste, c’est simplement reconnaître devant lui notre état de créatures ; c’est reconnaître la vérité. L’attitude du pharisien, qui consiste à se grandir aux yeux de Dieu, est totalement déplacée, elle exprime un gros péché d’orgueil. La vraie prière biblique est celle de David après son péché d’adultère (Ps 51). Elle exprime à la fois un repentir humble et convaincu (« mon péché, moi, je le connais, ma faute est devant moi sans relâche ; contre toi, toi seul, j’ai péché, ce qui est coupable à tes yeux, je l’ai fait »), et en même temps la confiance dans le pardon de Dieu et l’espérance en sa miséricorde (« Détourne ta face de mes fautes, et tout mon mal, efface-le. Dieu, crée pour moi un cœur pur »).
La prière du pauvre traverse les nuées
La prière humble fait entrer dans la louange du Dieu trois fois Saint. La vie céleste est un déploiement de la louange dans la contemplation de la majesté divine. Cette louange s’adresse d’abord au Créateur de l’univers, comme on peut le lire en Ap 4, dans une mise en scène qui reprend l’apothéose des empereurs romains (Axios ! Il est digne !). « Ils se prosternent face à celui qui vit pour les siècles des siècles ; ils lancent leur couronne devant le Trône en disant : ‘Tu es digne, Seigneur notre Dieu, de recevoir la gloire, l’honneur et la puissance. C’est toi qui créas l’univers ; tu as voulu qu’il soit : il fut créé’ » (Ap 4, 10-11). Le Père le Fils et l’Esprit Saint sont seuls dignes de louanges. On mesure la gravité du péché d’idolâtrie.
« Gloire au Père au Fils et au Saint-Esprit »
Cette doxologie est la belle et éternelle prière de l’humble. C’est la prière de la Vierge Marie, « Mère du Fils de Dieu, et, par conséquent, fille de prédilection du Père et sanctuaire du Saint Esprit » (Lumen Gentium 53). Saint Paul l’exprime ainsi dans la 2° lecture : « Le Seigneur me sauvera et me fera entrer dans son Royaume céleste. À lui la gloire pour les siècles des siècles. Amen. » (2 Tm 4, 18).