Nul ne gagnera en humanité à traiter les personnes exilées comme elles sont traitées

Mgr olivier Leborgne, évêque d’Arras

Mgr Olivier Leborgne, évêque d’Arras, va célébrer lundi près de Béthune les obsèques de la petite Lola, cette collégienne de 12 ans tuée dans des conditions atroces. Hier, le conseil des ministres a salué mercredi le « courage » de ses parents « qui font face à l’indicible », a rapporté le porte-parole du gouvernement Olivier Véran.

Les parents « nous demandent de nous montrer collectivement en soutien de ce qu’ils traversent sans en rajouter », a-t-il souligné, alors que ce fait divers prend une coloration politique sur fond de laxisme migratoire puisque la jeune femme qui a tué Lola, d’origine algérienne et entrée légalement dans notre pays, faisait l’objet d’une OQTF, une obligation à quitter le territoire français.

Depuis deux ans, Mgr Olivier Leborgne sillonne la côte d’opale sur le front des migrations, du flux et du reflux humain qu’elle engendre sur les côtes françaises, en déplorant l’impuissance des pouvoirs publics incapables de tenir leurs engagements ni de prendre leurs responsabilités.

Écouter l’interview dans l’émission Le Grand Témoin

Prière pour les temps présents

d’Olivier Leborgne, Seuil, 128 p., 16 €

Sur le site de La Croix

« Je ne peux pas me résigner à l’ensommeillement des catholiques devant l’inhumanité de notre temps. » Dans un livre bref aux allures de plaidoyer, Mgr Olivier Leborgne met au centre de sa réflexion et de sa prière les migrants qui butent sur la frontière anglaise et errent à Calais, ville qui se trouve sur le territoire de son diocèse. Nommé à Arras en 2020, l’évêque se laisse bousculer par la situation dramatique des migrants, célèbre avec eux la messe de Noël et confesse le défi qui attend l’Église : « Je sais bien que nos célébrations sont parfois le lieu de bons sentiments dégoulinants sans prise sur le réel ou de leçons de morale insupportables. »

Ainsi, partant du regard brûlant des exilés, Olivier Leborgne s’interroge sur les épreuves que traverse le catholicisme : « Il m’arrive de penser que la crise que l’Église vit aujourd’hui est nécessaire et sera féconde (…). L’Église des abus n’est pas celle que Jésus veut. » Si le ton parfois homilétique du propos rappelle notamment la doctrine sociale de l’Église, c’est aussi un texte très personnel que signe l’évêque d’Arras, conscient du poids de la charge : « J’ai compris que ma place était là. J’y rechigne parfois. Je suis maladroit. Je me cache. Mais il me faut y revenir. »

Loin de donner des leçons de charité, l’évêque souligne combien il peut être difficile d’approcher la grande pauvreté : « Je ne suis pas toujours à l’aise avec les personnes en très grande précarité, avec les personnes handicapées ou gravement malades. Je dois reconnaître qu’elles dérangent parfois non seulement mon confort, mais qu’elles me déstabilisent », confie simplement Mgr Leborgne, avant d’ajouter : « La fragilité de l’autre me renvoie à mes propres fragilités. »

Gagner en humanité

Alors évêque d’Amiens, Olivier Leborgne avait risqué un dialogue avec le député François Ruffin (1). Aujourd’hui, si c’est avec les pauvres qu’il veut agir, il n’hésite pas à dialoguer avec le monde politique. C’est aussi avec les dirigeants économiques et les fonctionnaires qu’il souhaite parvenir à plus de justice : « Nul ne gagnera en humanité à traiter les personnes exilées comme elles sont traitées (…) Il faut affirmer à temps et à contretemps que partager n’est pas perdre. C’est gagner. »

Faisant appel à la raison, évoquant telle ou telle rencontre qui a pu le bousculer, Olivier Leborgne lance un appel pour une autre manière de vivre ensemble. Un mouvement profond et patient, un labeur quotidien, comme en témoigne le titre de cet opus Prière pour les temps présents, inséparable d’un engagement dans la cité : « Il me semble que le monde a besoin de prophètes qui n’ont pas peur d’oser une parole qui, si elle dénonce et accuse, vise à bâtir et à reconstruire un avenir pour tous. »