Des salariés pas comme les autres

Anne de Brugière est secrétaire paroissiale depuis quatorze ans pour la paroisse Saint Denys de Vaucresson (Hauts-de-Seine). / Guillaume Poli/Ciric

Sur le site de La Croix, MALO TRESCA, le 03/04/2017 à 15h25

Le conseil pour les affaires économiques, sociales et juridiques de la Conférence des évêques de France (CEF), qui propose chaque année une grille indicative des salaires pour les 10 000 employés de l’Église, n’a pas voté d’augmentation pour 2017.

Il a en revanche lancé une vaste « enquête de rémunération »auprès des diocèses pour poser un diagnostic comparatif de leurs différentes politiques salariales.

Elle confie avec amusement « avoir rédigé elle-même son contrat, parce que son interlocuteur à l’évêché, à l’époque, ne savait pas encore très bien se servir de son ordinateur ». Le profil professionnel de Nathalie Jeanne-Beylot, secrétaire de la paroisse de la Celle Saint-Cloud (Yvelines) de mars 2007 à la rentrée dernière, correspond en tout point à celui que l’Église cherche à recruter.

Peu regardante sur ses heures de travail et sa disponibilité, elle ne le fut pas non plus, pendant dix ans, sur son salaire. Une rémunération sur la base d’un Smic, avec quelques primes –, au regard de la charge de travail et du temps passé, mais « qui ne lui a jamais posé problème », parce qu’elle avait « la chance de pouvoir travailler pour le plaisir » et était « heureuse, à son échelle, de rendre service à l’Église ».

Des salariés précaires

Un salaire souvent assez bas, peu de perspectives d’évolution, pas toujours de convention collective… Comme pour beaucoup de ces salariés aux préoccupations souvent bien éloignées de celles régissant le monde de l’entreprise, l’enjeu « missionnaire » d’un métier exercé au sein de l’Église l’emporte sur celui financier.

Parmi les 10 000 personnes employées au sein des diocèses et des paroisses, peu semblent d’ailleurs s’être émus d’apprendre que le Conseil pour les affaires économiques, sociales et juridiques de la CEF – qui établit chaque année une grille indicative des rémunérations –, n’avait pas encouragé, pour 2017, d’augmentation des salaires.

Une enquête est engagée

Au sein de l’Église, les politiques salariales sont, de toute façon, appliquées par les échelons inférieurs. Par les diocèses, d’abord, qui restent entièrement libres de relayer aux paroisses d’autres propositions de rémunération, en s’affranchissant s’ils le souhaitent des montants évoqués par la commission épiscopale.

C’est d’ailleurs pour « clarifier la situation » et « poser un diagnostic comparatif des différentes politiques salariales » que la CEF a commandé au groupe Ecclésia RH une vaste « enquête de rémunération » auprès des diocèses.

Pour l’instant, 35 d’entre eux y ont souscrit. « Il s’agit d’une avancée majeure en matière de gestion des ressources humaines dans l’Église », se réjouit-on à la CEF. En attendant les résultats – dans le courant de l’année 2017 –, « nombre de diocèses – et surtout ceux qui n’ont pas encore d’accords collectifs – continuent de s’inspirer de la grille votée par le conseil épiscopal, qu’ils utilisent comme un outil comparatif », poursuit la CEF. En outre, si celle-ci n’a pas encouragé cette année d’augmentation « catégorielle », elle n’aborde pas la question des éventuelles primes ou augmentations individuelles.

En paroisse, la rétribution du travail n’est pas revendiquée

Dans les paroisses, ces dernières décisions reviennent en effet aux curés. Organiste, secrétaire, intendante, femme de ménage, sacristain… Dans le huitième arrondissement de Paris, une dizaine de personnes travaillent pour la paroisse Saint-Augustin. « Elles ne sont pas toutes employées à plein-temps, maisje peux décider, dans les limites des finances de ma paroisse, de leur donner des primes », explique Denis Branchu, le curé, en précisant noter « une faible attente » à ce sujet. Parce que, résume-t-il encore, « les gens qui veulent faire fortune ne postulent de toute façon pas à la paroisse ».

À Vaucresson, Anne de Brugière, secrétaire de paroisse depuis 2003, rejoint ce constat. Celle qui confie « avoir découvert son métier toute seule » affirme, elle aussi, « n’avoir jamais été freinée » par la rétribution de son travail. Et au-delà de faibles rémunérations, pour certains, le simple fait de recevoir de l’argent de la part de l’Église peut même être source de culpabilité.

Des missions qui nécessitent un investissement certain

« Au début, j’ai eu du mal à accepter d’être payée pour évangéliser », confie Aude Dufay, responsable de la pastorale des familles à Besançon (Doubs). Cette Laïque en mission ecclésiale (LME), mère de cinq enfants dont plusieurs en études supérieures, avait en effet besoin de « mettre du beurre dans les épinards » des revenus familiaux lorsqu’elle a répondu à l’appel de son archevêque.

Très vite, elle se rend compte que sa mission implique un certain investissement : suivi de formations, conférences, animation du site, des pages Facebook et Twitter… « Sans me préoccuper d’un « plan de carrière », j’ai alors compris que cette rémunération constituait la compensation d’un engagement en temps, et en conscience, pour assurer mes responsabilités de façon professionnelle ».

L’ÉGLISE N’HÉSITE PLUS À FAIRE APPEL À DES PROFESSIONNELS

– Des formateurs professionnels. Les évêques sont de plus en plus nombreux à assister à des formations, souvent dispensées par des professeurs d’université, en ressources humaines, en management ou encore en économie.

– Des cabinets spécialisés. À Lyon, après la révélation des affaires de pédophilie du P. Bernard Preynat, le diocèse a fait appel à une agence spécialisée dans la communication de crise. D’autres encore n’hésitent pas à requérir ponctuellement l’expertise ou l’aide d’un cabinet d’audit ou de conseil sur certains sujets.

– Un recrutementsélectif. Pour certains postes stratégiques, comme ceux des économes diocésains, l’Église fait généralement appel à d’anciens cadres dirigeants issus du monde de l’entreprise.