(Dim. Pâques B — Jn 20, 1-9) Nous voici ce matin à nouveau devant le tombeau vide. C’est là que commence à se poser la question de la résurrection. « Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts ». Et il va falloir encore du temps. Notre liturgie aussi prend son temps : une fête de Pâques dont la durée est d’une semaine, et le long temps pascal pour épanouir notre foi en la Résurrection.
Le tombeau est ouvert
Dans l’évangile de Jean, le tombeau vide est un des aspects du signe de la résurrection de Jésus (le corps de Jésus est l’autre aspect comme on le voit avec Thomas). Comme dans les autres évangiles, le tombeau vide signifie que Dieu a ressuscité Jésus.Mais il est aussi lié à l’idée du départ de Jésus, qui retourne vers le Père. Le tombeau vide est comme un signe tangible de l’inauguration d’un temps nouveau, celui de l’absence de Jésus.
L’absence de Jésus commence à la résurrection, mais elle n’est complète qu’à son ascension finale vers le Père. « Je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu » dit Jésus à Marie-Madeleine (20, 17-18). La résurrection elle-même se place dans cette visée. Et Jésus ne laisse pas seuls ses disciples : il envoie l’Avocat, le Défenseur qui va venir.
On a enlevé le Seigneur
La supposition de Marie qu’« on a enlevé le Seigneur » est répétée trois fois (vv. 2. 13. 15). Qui ? Des ennemis qui voulaient empêcher l’ensevelissement de Jésus, ou des voleurs de tombes, ou Joseph et Nicodème, ou le « jardinier » (v. 15) ? Autrement dit : la résurrection n’est pas la réponse évidente devant un tombeau ouvert.
Les anges eux-mêmes ne sont présents qu’incidemment. Par rapport aux autres récits du tombeau vide, c’est comme s’ils étaient vidés de leur substance. Ils ne donnent aucune interprétation du tombeau vide1 ; ne reste que la question : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » (Jn 20, 12-13). C’est la question que pose aussi Jésus, plus loin dans le récit (v. 15), après que Marie l’a pris pour le jardinier (vv. 14-15). INUTILE DE PLEURER, JE SUIS DEVANT TOI. L’interprétation du tombeau vide est donc donnée par l’apparition à Marie-Madeleine et non par l’ange.
L’inspection du tombeau vide par Pierre et Jean
La visite de Pierre au tombeau, déjà dans l’évangile de Luc, règle la façon dont on peut raconter les apparitions : Jésus doit apparaître de telle sorte qu’il laisse un tombeau vide, c’est-à-dire, dans un corps de chair et d’os, et non pas dans une expérience visionnaire (Luc 24, 39). D’une certaine façon, l’intention semble la même en Jean ; en effet, on y parle de questions concernant le corps de Jésus après la résurrection, avec Thomas.
La course solitaire de Pierre au tombeau dans Luc 24, 12 devient une course de compétition avec le disciple bien-aimé dans Jean 20, 3-4. Ce que Pierre voit est expliqué avec force détails : « les bandelettes posées là et le linge qui avait recouvert la tête ; celui-ci n’avait pas été déposé avec les bandelettes, mais il était roulé à part, dans un autre endroit » (Jn 20, 6-7). Comme dans Luc, la question ici semble le fait que le corps n’a pas été simplement déplacé ou volé — sinon celui qui aurait fait cela aurait pris le corps enveloppé dans les bandelettes. Peut-être y a-t-il aussi un contraste avec le retour à la vie de Lazare, qui avait besoin d’aide pour se défaire de ses bandelettes (Jn 11, 44) ?
Il vit et il crut
C’est donc Jean qui franchit le pas le premier vers la foi en une résurrection corporelle de Jésus, sans relation avec les Écritures (v. 9) ni apparition2, rejoignant ce que Jésus dira à Thomas : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,29). Parce que le quatrième évangile remonte au témoignage du « disciple bien-aimé » (Jn 21, 24), on voit donc comment le rédacteur a tenu à l’inclure comme témoin auprès de Pierre au tombeau vide. Et à nous le donner comme l’exemple même de l’acte de foi véritable en la résurrection.
1 Il n’y a ni proclamation de la résurrection (cf. Mc 16, 6 ; Mt 28, 6 ; Lc 24, 5-6), ni ordre d’aller porter la nouvelle aux autres disciples (Mc 16, 7 ; Mt 28, 7).
2 Dans le récit de Jean, cette rencontre personnelle restait encore à venir pour Pierre et les autres disciples (20, 19-23) ; elle était toute proche pour Marie (20, 11-18), qui entretemps était retournée au tombeau.