(Veillée pascale B — Mc 16, 1-8) À l’écoute de ce récit, en ayant ajouté le v. 8 omis par la liturgie, posons-nous la question : pourquoi les femmes s’enfuient-elles du tombeau ? Et pourquoi n’y a-t-il pas de récit d’apparition dans Marc (sachant que les v. 9-20 sont une addition postérieure) ? Pour bien comprendre, il faut reprendre la perspective de Marc.
En Marc, trois ouvertures vers le ciel
= Au baptême. Au moment même où il remonte de l’eau, JÉSUS seul voit le ciel se déchirer et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe. Et il entend la voix du ciel qui s’adresse directement à lui : « Tu es mon Fils bien-aimé ; il m’a plu de te choisir ».
= À la transfiguration, Pierre, Jacques et Jean sont témoins d’une « métamorphose » de Jésus ; acte de Dieu : « il fut métamorphosé ». En même temps, elle manifeste que Jésus peut converser avec Élie et Moïse et partager la gloire de leur état d’élévation au ciel. Ce que les DISCIPLES ont vu doit être tenu secret jusqu’à la résurrection. On annonce donc à l’avance la transformation définitive du corps de Jésus et sa translation au ciel.
= À la mort de Jésus, autre événement apocalyptique (Mc 15, 33-39), on constate un grand silence, alors qu’au baptême et à la transfiguration, la voix du ciel déclare que Jésus est « mon fils bien-aimé ». Le déchirement du voile du Temple reflète comme en miroir les cieux qui se déchirent lors du baptême. L’effet est immédiat : « Le CENTURION qui se tenait devant lui, voyant qu’il avait ainsi expiré, dit : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu » » (v39).
Ainsi, l’identité de Jésus, relatée par ces trois scènes d’épiphanie, ne se dévoile que graduellement. Finalement au monde entier à la mort de Jésus par le centurion romain.
Un tombeau vide, ouvert…
Dans Marc 16, 1-8, trois indices visuels signalent que le domaine divin s’est OUVERT de nouveau :
– d’abord une lourde pierre roulée de devant le tombeau,
– deuxièmement un personnage qui dit : « Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié. Il est ressuscité. Il n’est plus ici »
– et, troisièmement, un corps disparu. Enlevé.
Marc souligne la DISPARITION du corps de Jésus comme moyen de centrer l’attention du lecteur sur le rôle futur de Jésus plutôt que sur sa présence temporaire de ressuscité. Ainsi Marc supprime la tradition des apparitions de manière générale. Il interprète la disparition du corps de Jésus comme une « résurrection », mais il ne raconte pas les apparitions ; il les suggère.
Cela signifie que Dieu a « ENLEVÉ » physiquement Jésus mort pour qu’il attende son retour comme le Fils de l’homme (titre qui signifie exaltation au ciel). « Il n’est pas ici », cette parole peut être interprétée dans les termes de l’idée juive suivant laquelle une personne enlevée était tenue en réserve pour son rôle à la fin des temps (« Il faut en effet que le ciel l’accueille jusqu’à l’époque où tout sera rétabli » Ac 3, 21).
Il faut donc comprendre l’apparition de Jésus à ses disciples en Galilée (Mc 16, 7) comme UNE APPARITION DE JÉSUS RESSUSCITÉ MAS ENLEVÉ AU CIEL (et non pas enlevé du tombeau). Il y est maintenant dans son corps, attendant l’apparition du Fils de l’homme.
Réponse ouverte : les femmes ne disent rien à personne…
Les femmes sont des disciples fidèles qui ne désertent pas Jésus même dans la mort (15, 40-41). Elles sont les premières à recevoir l’annonce de la résurrection de Jésus (v. 6), mais, en gardant le silence elles ne sont pas capables d’aller raconter aux autres disciples la résurrection de Jésus d’entre les morts (v. 8).
Frayeur, peur, tremblements et perplexité (ekstasis) sont, dans le récit, la réponse des femmes confrontées à l’irruption du domaine divin (comme à la transfiguration). Marc fournit une vue intérieure des pensées et sentiments des femmes, rend leurs émotions compréhensibles. Mais il fait comprendre que leurs actions — fuite et décision de ne rien dire — sont erronées.
Nous, lecteurs de Marc, sommes donc mis au défi de réfléchir à la façon dont nous voulons répondre nous-mêmes à l’appel de suivre et de proclamer…