(Ascension B — Mc 16, 9-20) Le récit de l’Ascension de Jésus nous est donné en deux versions : celle de Luc dans les Actes, en première lecture, et celle de Marc en cette année B dans l’Évangile. Cette finale n’est pas de Marc, mais remonte à la première moitié du IIè siècle, et a été considérée comme canonique par l’Église. L’ensemble est structuré en trois phases : une récapitulation de 3 apparitions du Christ ressuscité (v. 9-14) ; un discours de Jésus qui envoie en mission (v. 15-18) ; un récit de l’ascension articulé sur la mise en œuvre de la mission (v. 19-20).
La récapitulation des apparitions
Jésus ressuscité est caractérisé par l’emploi de trois verbes différents : ephanê, « il apparut », etheathê, « il a été bel et bien vu », ephanerôthê en heterai morphêi, « il fut manifesté sous un autre aspect » (versets 9-12). Le phénomène résiste à une description simple ! Et justement, l’évangile souligne par trois fois l’incrédulité des compagnons de Jésus : ils refusent de croire Marie-Madeleine, ils refusent de croire les deux disciples qui revenaient d’Emmaüs, et Jésus lui-même reproche aux Onze leur entêtement à ne pas croire ceux qui l’avaient vu ressuscité.
Avant que Jésus donne la consigne de proclamer l’évangile, le texte souligne donc que les porteurs de cette « heureuse annonce » sont eux aussi soumis à cette nécessité d’entendre la parole par la médiation de pauvres gens qui ont mis du temps à croire. Car ils ont eu une espèce d’aveuglement, sans doute humainement trop proches de ceux qui annonçaient. Ils ont résisté, mais ils ont appris ce que c’est que de croire, avant de demander aux autres de s’y engager.
Les paroles d’envoi en mission
À travers les paroles données, la mission est considérée comme universelle. Comme en Matthieu, il s’agit de partir dans le monde entier et de proclamer la victoire de Jésus à toute la création. « Prêchez l’Évangile à toute créature ». Ce sont les dernières consignes de Jésus ressuscité à ses disciples dans l’évangile selon saint Marc. Il leur ouvre tout grand le champ du monde, sans leur fixer aucune frontière. Paul se profile à l’horizon !
Pas de frontière pour la parole de Dieu : « Allez dans le monde entier ! » Pas de discrimination entre les auditeurs : « Prêchez à toute créature ». Restant sauve la liberté de chacun, la bonne nouvelle sera annoncée à tous, quelle que soit l’idée qu’ils se font de Dieu et la tradition dans laquelle ils ont vécu.
La responsabilité de chacun devant le message entendu est particulièrement soulignée : « Celui qui acceptera la foi et viendra au baptême trouvera le salut. Celui qui, volontairement, se fermera au baptême, se verra condamné pour son manque de foi ». C’est un appel à prendre au sérieux l’incarnation et la mission du Fils de Dieu parmi nous.
Le récit de l’Ascension
La fin de la finale évoque d’abord l’Ascension avec un mot que nous avions déjà soulignés en Marc : l’enlèvement. Mais Luc l’emploie également (dans son récit et dans la bouche des anges). Solennelle, la nomination du « Seigneur Jésus », convient à ce qui est bien une scène de triomphe, même très abrégée. Car ici non seulement Jésus est « enlevé au ciel », mais encore il parachève sa mission en s’asseyant « à la droite de Dieu ». Il s’est assis, comme celui qui a pleins pouvoirs. Il s’est assis à la droite de Dieu, parlant au Père d’égal à égal, et intercédant pour nous dans ce dialogue d’amour. Il s’est assis dans la paix, ayant achevé chez nous l’œuvre du Père, et goûtant déjà comme Premier-né, le repos de Dieu. Et il nous attire à lui pour nous faire parvenir dans la gloire du Père et nous ressusciter nous aussi. En lui, nous sommes déjà ressuscités et exaltée en Dieu.
Une articulation s’établit entre l’ascension-glorification de Jésus et le départ de ses disciples en mission (d’une part… d’autre part…, en grec men… de…), car le second acte dépend de la réalisation du premier. En Lc 24, 49 et Ac 1, 8, Jésus promet aux missionnaires une énergie divine dont le prodige de la Pentecôte signifiera l’effusion. Cette énergie est ici montrée dans son exercice : « Le Seigneur travaillait avec eux ».
Les signes charismatiques (dunamis, actes de puissance) accompagnent et confirment la véracité et l’autorité de la Parole divine. Il ne faut pas les sous-estimer. Le texte dit au début : « Voici les signes qui accompagneront… » ; et à la fin : « il confirmait la parole par les signes qui l’accompagnaient »… Le verbe employé est akoloutheô, « suivre », qui a caractérisé l’action des disciples auprès de Jésus. Désormais, ce ne sont plus les disciples qui suivent Jésus, mais les « signes » de la présence du Seigneur qui suivent les disciples !
Le texte ne dit pas qu’ils arrivèrent au bout de leur mission et qu’un jour ils s’arrêtèrent parce qu’ils avaient fait le tour du monde. C’est un récit qui se termine sur une histoire qui continue. Ainsi la dernière image que saint Marc nous a laissée de Jésus est celle du Seigneur céleste partageant le trône de Dieu, un message de sérénité et d’espérance.
Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient.