Au coeur de l’été, à neuf jours d’intervalle, le temps d’une neuvaine, deux fêtes liturgiques associent la lumière de la gloire divine. Présente en Jésus, elle est dévoilée lors de sa transfiguration et annonce sa résurrection. Et c’est comme participation à la résurrection de son Fils qu’il faut contempler la lumière de l’Assomption de Marie. Car il n’y a qu’une seule gloire, celle de Dieu, qui se manifeste en tous, et en son Verbe éternel gracieux, et en la première créature graciée, Marie.
Une expérience authentique
Il est beau que nous ayons comme seconde lecture ce passage de la 2° lettre de Pierre (1, 16-19), où il se positionne en témoin oculaire de la Transfiguration de Jésus, témoin « de sa grandeur ». Il faut relire et citer ce passage qui, à la fois, authentifie la seconde lettre comme d’origine pétrinienne, et rend compte de l’expérience en termes de vision et d’audition. « Quand, depuis la Gloire magnifique, lui parvint une voix qui disait : Celui-ci est mon Fils, mon bien-aimé ; en lui j’ai toute ma joie. Cette voix venant du ciel, nous l’avons nous-mêmes entendue quand nous étions avec lui sur la montagne sainte ».
Et Pierre fait un lien entre la Transfiguration et « la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus-Christ », « jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs ». Il intériorise l’expérience et nous promet que nous serons transfigurés à la fin des temps, par la résurrection de la chair. Nous allons voir que Paul dit exactement la même chose.
Le Père a donné la Loi
Prenons le temps d’approfondir la perspective développée par Matthieu dans cette version du récit que nous lisons dans l’année A. Il est le seul à noter le rayonnement du visage du Sauveur : « Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière » (v. 2). C’est sans doute parce qu’il voit dans ce trait une réminiscence du rayonnement du visage de Moïse après la théophanie du Sinaï : « Lorsque Moïse descendit de la montagne du Sinaï, ayant en mains les deux tables du Témoignage, il ne savait pas que son visage rayonnait de lumière depuis qu’il avait parlé avec le Seigneur » (Ex 34, 29). Ainsi, puisque le Dieu de gloire a écrit la Loi sur des tables de pierre, l’origine divine de la Loi a été symbolisée par la gloire se reflétant passagèrement sur le visage de Moïse.
Le Fils est sa Parole
Maintenant, le Christ est nous est donné. Son visage rayonne de lumière, il est le nouveau Moïse. il est la Loi dans sa plénitude, le Verbe, la Parole, le Fils éternel rayonnant de la gloire du Père. À l’intention exprimée par Pierre de dresser trois tentes sur la montagne, le Père oppose sa volonté formelle de donner au monde pour l’instruire son Fils bien-aimé qui, enveloppé d’une nuée lumineuse, manifeste sa gloire. Comment ne pas songer à Yahvé qui au Sinaï révèle sa gloire (Ex 24, 16-17), « parle du ciel » (Ex 20, 22) et fait retentir « sa voix au milieu du feu, de la nuée et de l’obscurité » (Dt 5, 19) pour édicter ses ordonnances à Moïse et au peuple choisi. Mais maintenant, c’est le Fils qu’il nous faut écouter. « Celui-ci est mon Fils bien-aimé… Écoutez-le ! » (v.5).
Le Fils est la Parole définitive du Père, comme l’écrit St Jean de la Croix :
« En nous donnant son Fils ainsi qu’il l’a fait, lui qui est sa Parole dernière et définitive, Dieu nous a tout dit ensemble et en une fois, et il n’a plus rien à dire… Concluez-en que désirer… visions ou révélations, ce n’est pas seulement faire une sottise, c’est offenser Dieu, puisque par là nos yeux ne sont pas uniquement fixés sur le Christ, sans chercher chose nouvelle ».
(Montée du Carmel, II, 22)
Nous reflétons la gloire du Seigneur
Paul s’est emparé de la perspective du visage rayonnant de Moïse dans la 2° lettre aux Corinthiens. Il compare la Loi écrite sur les tables de pierre, et le coeur des convertis : « vous êtes cette lettre du Christ, produite par notre ministère, écrite non pas avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non pas, comme la Loi, sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos cœurs » (2 Co 3,3). Et plus loin : « Et nous tous qui n’avons pas de voile sur le visage, nous reflétons la gloire du Seigneur, et nous sommes transformés en son image avec une gloire de plus en plus grande, par l’action du Seigneur qui est Esprit » (2 Co 3,18). On rejoint là les paroles de Jésus en Mt 5 : « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde ».
Ainsi sommes-nous préparés à célébrer dans 9 jours l’achèvement de l’oeuvre de Dieu en Marie. La Transfiguration de Jésus, et plus encore sa Résurrection, sont promesses de notre gloire à venir. Elle est déjà réalisée en Marie, entrée dans la Jérusalem Céleste. Nous y entrerons aussi, munis de l’eucharistie, nourriture de transfiguration « jusqu’à ce qu’il vienne » nous ressusciter.