Soixante-dix évêques du pourtour méditerranéen se retrouvent à Marseille du 17 au 24 septembre, pour les Rencontres méditerranéennes 2023. Travaillant sur les défis et les ressources de la région, ils accueilleront le pape François pour clore leurs travaux.
Site de La Croix, Christophe Henning
La Croix : Marseille s’apprête à accueillir le troisième rassemblement des évêques de la Méditerranée. Quels sont les enjeux de cette rencontre ?
Cardinal Jean-Marc Aveline : Ils sont nombreux, mais l’on pourrait tous les rassembler dans le mot de communion. Lors des deux premiers rassemblements des évêques du pourtour méditerranéen, à Bari en février 2020 puis à Florence en février 2022, j’ai pu mesurer l’importance de pouvoir échanger entre nous à propos de ce qui marque aujourd’hui la mission de l’Église sur chacune des rives de la Méditerranée.
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Nous avons pu évoquer les défis qui nous sont communs, bien que nous les vivions selon des réalités différentes, mais aussi prendre conscience des ressources, qui nous sont également communes, dans cet espace géographique bien particulier. En nous connaissant mieux, nous avons pu également tisser des liens qui ne demandent qu’à se développer. La rencontre de Marseille permettra de renforcer et même d’élargir cette communion au service de la mission en Méditerranée puisque nous serons près de soixante-dix évêques.
Comment le choix de Marseille s’est-il fait ?
Card. J-M A : Marseille est une ville portuaire typiquement méditerranéenne. Depuis longtemps, elle a appris à accueillir toutes les cultures et les religions qui peuvent exister en Méditerranée et même au-delà. Lors de conversations que j’ai eues avec le pape François, j’ai pu lui expliquer l’originalité de cette ville, ses richesses et ses pauvretés, et échanger avec lui sur les enjeux pastoraux auxquels nous sommes confrontés et la manière dont, humblement, nous essayons d’avancer. Il a compris que Marseille se trouvait sur l’une de ces périphéries qu’il affectionne, entre Europe et Méditerranée, porte de l’Orient et porte de l’Occident, marquée à la fois par beaucoup de pauvreté et aussi par beaucoup d’espérance.
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De son côté, l’ancien président de la Conférence épiscopale italienne, le cardinal Bassetti, qui avait initié les rencontres de Bari et de Florence, m’avait dit son désir que le processus puisse se continuer hors d’Italie. C’est ainsi qu’avec son successeur, le cardinal Zuppi, nous avons fait l’hypothèse d’accueillir ces rencontres à Marseille et le pape m’a assuré de son soutien et de sa disponibilité.
La question des migrants sera-t-elle au cœur de vos échanges ?
La situation des personnes migrantes nous préoccupera bien évidemment tout au long de cette semaine d’échanges. Le message du pape pour la 109e Journée mondiale du migrant et du réfugié, que nous célébrerons en clôture de la semaine, le dimanche 24 septembre, guidera nos travaux. Il souligne l’importance non seulement de la liberté d’émigrer, mais aussi de la liberté de rester dans son pays. Et le pape explicite les conversions nécessaires pour que cette double liberté soit réellement effective. Nous devrons y réfléchir, et il nous a semblé judicieux pour cela d’inviter quelques évêques venant d’Afrique subsaharienne.
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Mais nous ne voulons pas isoler la question des flux migratoires des autres défis qui caractérisent l’espace méditerranéen : la disparité économique et la pauvreté, les questions environnementales et climatiques, les tensions géo-politico-religieuses et le dialogue interreligieux. Tout au long de la semaine, nous aurons de multiples occasions d’aborder ces défis et aussi de chercher ensemble les ressources qui peuvent nous aider à les affronter. Marseille, pour toutes ces questions, est une sorte de laboratoire, un microcosme très cosmopolite où sont présents tous les défis que je viens d’évoquer. Un peu comme Jean-Paul II le disait du Liban, j’ai souvent pensé que Marseille est plus qu’une ville : elle est un message, porteur de détresse et d’espérance à la fois.
N’y a-t-il pas aussi un défi interreligieux, que vous vivez déjà à Marseille ?
Oui bien sûr. Mais ce n’est pas seulement un défi, c’est aussi une immense ressource, dès lors que, confrontés aux mêmes questions de l’existence, notamment celles qui sont liées au travail, au chômage, à la vie familiale ou à l’éducation des enfants, des hommes et des femmes de religions différentes se risquent au partage de leurs soucis et de leurs espoirs, tissent des liens de confiance, apprennent le dialogue, font naître l’amitié et promeuvent la fraternité.
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Ce chemin n’est pas facile, mais je puis témoigner qu’il existe et qu’il est grandement fécond, tout en restant humble et fragile. Comme le disait souvent le regretté cardinal Tauran, les religions font davantage partie de la solution que du problème, pour peu qu’elles ne se laissent pas entraîner par des idéologies qui les instrumentalisent.
Qu’attendez-vous du pape ?
En tant qu’archevêque de Marseille, j’observe que l’annonce de sa venue a déjà suscité un immense élan populaire, et je m’en réjouis grandement. Et puisqu’il a fait le choix, pour ce voyage, de ne venir qu’à Marseille, c’est la France qui viendra jusqu’ici pour prier avec lui lors de la messe au stade Orange Vélodrome. Et ce faisant, il attirera l’attention de tout notre pays sur les enjeux de sa façade méditerranéenne.
De nombreux acteurs associatifs, politiques, culturels, socio-éducatifs, œuvrant en Méditerranée, seront présents lors de la semaine, notamment grâce à un magnifique festival ouvert à tous, et c’est très important que l’Église apporte sa contribution à cet immense travail. En outre, les évêques de France pourront tisser des liens avec leurs frères évêques de tous les diocèses de la Méditerranée, partager leurs joies et leurs peines, écouter ensemble les appels de l’Esprit, communier dans la mission et dans l’espérance. Tels sont, à mes yeux, les principaux enjeux de la présence du pape à ces Rencontres méditerranéennes de Marseille !
Soixante-dix évêques pour débattre quelques jours : se connaissent-ils assez pour mener ces débats ?
Certains se connaissent, mais pas tous. C’est la raison pour laquelle nous nous appuierons sur une méthode synodale, afin d’avancer ensemble, en méditant la Parole de Dieu, en s’écoutant mutuellement à propos de la situation de chacune de nos rives, en tentant de discerner ce à quoi l’Esprit nous appelle, notamment en recueillant les réflexions des étudiants et jeunes professionnels du pourtour méditerranéen, de toutes nationalités et de toutes religions, qui seront également présents tout au long de cette semaine.
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Nous aurons à cœur de formuler des propositions concrètes en échangeant nos bonnes pratiques ; nous essaierons aussi de nous donner les moyens d’un processus de réflexion et d’action pour les années à venir, au service du peuple de Dieu confié à notre ministère. La Méditerranée, « mosaïque dans laquelle chaque pièce est nécessaire à l’originalité et à la beauté du tableau d’ensemble » (pape François, Discours de Skopje, 7 mai 2019), espace riche de nombreuses ressources mais fragilisé par de multiples menaces, est appelée à porter un message d’espérance pour l’Église et pour le monde. En faisant converger toutes les bonnes volontés, l’étape marseillaise des Rencontres méditerranéennes tentera de dessiner une nouvelle mosaïque d’espérance!