Jésus et la femme adultère

Jésus face à Moïse

La scène se déroule dans le Temple où Jésus enseigne devant « tout le peuple » (Jn 8,2). Le Temple est un lieu voué à Dieu. Or, les scribes et pharisiens instrumentalisent la sainteté du lieu pour mettre Jésus en contradiction avec la Loi. Ils commettent donc une véritable profanation.

Jésus ne remet pas en question l’accusation d’adultère. En fait, Jésus ne conteste pas le crime, mais son châtiment. En l’occurrence, la loi biblique – comme tous les codes de loi du Proche-Orient ancien – punissait de mort le couple formé par l’adultère (Lv 20,10 ; Dt 22,22 ; Dt 22,24). Mais le crime de cette femme est instrumentalisé par les scribes et pharisiens pour mettre Jésus en difficulté. « Or ils disaient cela pour l’éprouver afin d’avoir de quoi l’accuser » : mettre Jésus en contradiction avec la Loi de Moïse !

La femme assimilée à son péché

Au cours de cette scène, tout est fait pour réduire la femme à un objet :

  • Spatialement, elle est traînée au centre (Jn 8,3), entourée d’ennemis, réduite et vulnérable
  • Symboliquement, on la classe autoritairement dans une catégorie maudite, à « lapider » (Jn 8,5).

La femme adultère que l’on amène à Jésus semble réduite à n’être rien d’autre que son péché :

  • Elle n’a même pas de nom. Elle est une personne indéfinie, et n’est caractérisée que par son adultère.
  • Elle n’a même pas droit à la parole pour se défendre, car elle est déjà condamnée par le flagrant délit.

Écouter l’homélie

Le droit de grâce : le juge qui pardonne

La célèbre réplique de Jésus « que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre » (Jn 8,7) étonne et dérange. En fait, elle a une double portée :

  • Elle reconnaît la culpabilité de la femme, et aussi le droit des autorités de la juger.
  • En revanche, Jésus les renvoie à leurs propres péchés et force les juges à se juger eux-mêmes.

Ce qu’il fait après s’apparente à ce qu’on appelle juridiquement le droit de grâce : il ne blanchit pas la condamnée, mais lui offre une nouvelle chance ; et Jésus l’avertit : elle ne doit plus pécher.

L’attitude de Jésus exprime la miséricorde

Tandis que cette femme est accusée avec violence… Jésus baisse les yeux et écrit sur le sable. Il semble indiquer un détachement, un retrait souverain à l’égard de la vindicte populaire qui habite la foule unanime dressée contre cette femme adultère.

Au cours de la scène, le contraste est flagrant entre deux types d’attitude :

  • Les regards avides et curieux qui se posent sur la femme et sur Jésus pour savoir comment il se va sortir de ce mauvais pas,
  • La discrétion et la délicatesse de Jésus qui baisse les yeux par deux fois pour écrire sur le sol (v.6.8).

Face aux regards méprisants de la populace qui condamne cette femme, les yeux baissés de Jésus sont le geste le plus fin et le plus respectueux que l’on puisse témoigner à ce moment-là à cette femme. Peut-être même pouvons-nous penser qu’en se baissant, Jésus évoque la chute du pécheur ; et en se redressant, il exprime la possibilité de conversion qu’il lui procure… Un geste symbolique de la rédemption !

La délicatesse et le pardon du Christ

Dans ce mouvement du Christ s’adressant à la femme, deux éléments sont particulièrement remarquables :

  • Pour la première fois dans la scène, quelqu’un s’adresse à la femme !
  • Pour la première fois, on lui accorde le droit de dire quelque chose !

En outre, Jésus lui pose deux questions et l’invite à parler : « Où sont-ils ? Personne ne t’a condamnée ? »

Jésus renverse la situation : l’accusée doit se prononcer sur ses juges. En lui rappelant avec humour que personne n’était en l’état de la condamner, Jésus lui fait comprendre qu’elle n’est peut-être pas meilleure que les autres, mais pas pire non plus. Cependant, il la responsabilise : « Va, ne pèche plus ! »

Par son attitude, Jésus agit de manière inédite. Et l’on devine à travers ce court passage de l’Évangile la joie avec laquelle Jésus a refusé de la condamner, et l’a pardonnée.

« Où sont-ils ? Personne… Devant le vide laissé par cette retraite, qui ne signifie rien de moins que la débâcle de leur prétendu savoir et, avec elle, celle de la Loi, une sorte de transfiguration se produit. La figure du Christ s’auréole d’un pouvoir qu’aucun homme ne détient. »

Michel Henry (1922-2002), Paroles du Christ, Paris, Seuil, 2002 ; p. 78.