Dans son récit, Luc souligne la montée vers Jérusalem.
– Il nomme la ville deux à trois fois plus que les autres évangiles. Il transforme l’ordre des tentations au désert : la 3° a lieu au pinacle du Temple. Lors de la Transfiguration, il mentionne que Moïse et Élie parlent de son exode à Jérusalem.
– Et Luc agence sur dix chapitres de son évangile comme un long voyage, une longue montée plusieurs fois soulignée, à partir de 9, 51 : « Comme s’accomplissait le temps où il allait être enlevé au ciel, Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem ». On ne s’étonne donc pas que le récit de l’entrée dans la ville, au terme du parcours, soit alors solennisé.
Jésus accomplit les Écritures. Il va révéler son identité messianique en respectant ce que disent les Écritures de l’arrivée du Messie.
– Il va d’abord descendre du mont des Oliviers avant d’accéder à Jérusalem. Luc mentionne les villes de Betphagé et Béthanie qui sont situées sur le versant est du mont des Oliviers. « Voici qu’un jour vient pour le Seigneur… Alors le Seigneur sortira… Ses pieds se poseront, ce jour-là, sur le mont des Oliviers… » (Za 14, 1-5).
– Il somme ses disciples d’aller chercher un ânon. L’ânon est la monture prédite pour l’envoyé de Yhwh quand il entrera dans la cité sainte. « Le sceptre royal n’échappera pas à Juda… jusqu’à ce que vienne celui à qui le pouvoir appartient… Il attache à la vigne son ânon, au cep, le petit de son ânesse. » (Gn 49, 10-11). Cette monture symbolise l’humilité du nouveau roi qui va exercer l’autorité du Père. Il suffit de comparer les entrées triomphalistes des empereurs à Rome pour constater cette modestie.
– L’enthousiasme, l’exubérance dominent comme l’annonçait Zacharie: « Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici ton roi qui vient à toi : il est juste et victorieux, pauvre et monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse » (Za 9,9). Luc met aussi dans les cris de la foule l’acclamation d’un psaume : « Hosanna ! Donne, Seigneur, donne le salut ! Donne, Seigneur, donne la victoire ! » (Ps 117, 25). Celui qui vient, le Messie est enfin arrivé. L’évangéliste oriente aussi l’acclamation populaire vers la dimension royale du Messie. Jésus est le roi sage et humble, le nouveau Salomon, accueilli lui aussi avec les louanges de ses sujets (cf. 1 R 1, 40).
– Les rameaux de myrte, de saule et de palmiers sont associés à un moment solennel : la fête juive des Tabernacles (Lv 23, 40). Et l’A.T. avait annoncé la venue du Messie avec les rameaux : « Dieu, le Seigneur, nous illumine. Rameaux en main, formez vos cortèges jusqu’auprès de l’autel » (Ps 117, 27).
Jésus sait où il va, ce qui l’attend
Même si l’euphorie de la foule était superficielle (Luc témoigne de cette superficialité quand il écrit les mots : « pour les miracles qu’ils avaient vus »), les pharisiens, des érudits de la Loi et des Prophètes, n’ont pas été dupes. Ils ont décelé le message que voulait livrer Jésus : le Messie d’origine divine est arrivé. Ils veulent donc faire taire la foule qui acclame celui qu’ils considéraient comme un imposteur.
Jésus, face à cette demande, leur répond que même si l’allégresse de la foule est réprimée, les pierres vont se réjouir. Il réaffirme ainsi sa revendication messianique. L’A.T. dénote que les éléments de la nature réagiront fortement à la venue du roi et du Messie. « Le peuple jouait de la flûte et manifestait une joie débordante, au point que la terre se fendait à leurs voix » (1 R 1, 40 à propos de Salomon). « Jusqu’aux cieux, ta splendeur est chantée ; par la bouche des enfants, des tout-petits : rempart que tu opposes à l’adversaire, où l’ennemi se brise en sa révolte » (Ps 8, 3). L’intensité de l’opposition va augmenter et elle va trouver sa conclusion ultime dans la crucifixion.
Aujourd’hui, l’Église accompagnée par l’Esprit, a perçu ce que l’assistance de la ville sainte n’avait probablement pas réalisé, malgré l’acclamation Hosanna : Jésus est celui qui vient comme Sauveur. Elle le célèbre et l’acclame en ce jour des Rameaux, prélude à la Passion.