1. Contempler l’Ascension
« Sous leurs regards, il s’éleva, et une nuée le déroba à leurs yeux. Et comme ils étaient là, les yeux fixés au ciel pendant qu’il s’en allait… » (Ac 1, 9) Un cantique chante l’enfant « le nez en l’air et les cheveux au vent »… C’est la posture des apôtres au moment de l’Ascension du Seigneur ; et des anges, annonçant sa Venue glorieuse, leur disent : « pourquoi restez-vous ainsi à regarder le ciel ? » Le Mystère est consommé. Jésus, le Ressuscité est exalté. Il est vraiment le Fils de l’Homme annoncé par le prophète Daniel (7, 13). Après les turbulences engendrées par son enseignement sur le Pain de Vie, Jésus avait annoncé à mots couverts son Ascension comme le signe ultime de son origine divine : « Cela vous scandalise ? Et quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant ? » (Jean 6, 61-62). C’est Adrienne von Speyr, je crois, qui disait de Marie au moment de l’Ascension : maintenant, elle sait que tout est vrai.
2. Accepter de ne plus voir
Certains s’obstinent à vouloir voir. C’est le cas de Thomas, dont les questionnements ne vont pas sans nous rappeler ceux de la sagesse populaire : « moi, je ne crois que ce que je vois ! » Ce n’est pas très malin. Nos cinq sens sont de merveilleux outils pour connaître la réalité. Mais ils ne servent pus à rien pour appréhender la résurrection de Jésus. Celui-ci se prête au petit jeu souhaité par Thomas, qui tourne à sa confusion. Il a reconnu la divinité de Jésus, et sa propre inconséquence : « Mon Seigneur et mon Dieu » (Jn 20, 28). Et Jésus a cette affirmation qui concerne les croyants de tous les temps : « Parce que tu me vois, tu crois. Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru ». Plus heureux que Thomas ceux qui croient sans avoir vu. « La foi est la garantie des biens que l’on espère, la preuve des réalités qu’on ne voit pas » (He 11, 1)
3. Croire en la présence de Jésus dans l’Église
Dans les consignes que Jésus laisse pour la vie de la communauté de l’Église, il attire notre attention sur l’importance d’une réelle vigilance sur la sainteté. C’est pour préserver la sainteté de la communauté que certains membres doivent être écartés pour un temps. La communauté a autorité pour lier et délier (Mt 18, 18). Si ce doit être le cas, Jésus demande qu’elle se mobilise pour prier afin de demander la conversion du membre qui a été retranché : « Si deux d’entre vous, sur la terre, unissent leurs voix pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé ». Et c’est à cette occasion que Jésus parle de sa présence ecclésiale, présence cachée au cœur de l’Église, en poursuivant : « Que deux ou trois, en effet, soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Mt 18, 20). Comment ne pas penser aussi à la première vision de Jean dans l’Apocalypse, contemplant le Ressuscité présent au milieu des sept candélabres d’or, Jésus au cœur de l’Église (Ap 1, 12-13. 20 : « je vis sept candélabres d’or, et, au milieu des candélabres, comme un Fils d’homme »).
4. Croire en la présence de Jésus dans le frère
La parabole du jugement des nations (Mt 25, 31-46) met en scène le jugement de Dieu par rapport aux responsabilités collectives des nations au cours de l’histoire. Les critères de jugement sont on ne peut plus simples, et sont répertoriés dans la tradition de l’Église sous l’appellation « œuvres de miséricorde ». Mais ce qui est simple peut parfois paraître trop simple. Beaucoup n’auront pas su voir ou voulu voir, ni dans le bien accompli pour contrer le mal, ni dans le bien omis, transformé en mal. Cette parabole nous donne la vraie dimension du bien qui ne fait pas de bruit, et aussi du péché d’omission ! Elle est parsemée de l’interrogation : « Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir ? » La réponse de Jésus sur sa présence cachée est celle de la fraternité, ce qu’on a pu appeler le sacrement du frère. Jésus est présent dans le frère qui a besoin ; c’est à lui qu’il s’identifie et c’est en lui que nous pouvons le voir. « Dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ».
5. Croire en la présence de Jésus dans la célébration eucharistique
Blasés et déçus par la fin tragique de Jésus, deux disciples s’éloignent de Jérusalem, marchant vers Emmaüs. Jésus les rejoint sur la route, les fait parler, les écoute (Lc 24, 13-35). « Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître ». Puis il leur donne deux remèdes de vie : l’intelligence des Écritures, et le Pain rompu. On aura bien sûr reconnu ici le cheminement de nos célébrations, de la liturgie de la Parole à celle de l’Eucharistie. Nous communions à la Présence cachée du Ressuscité sous ces deux formes. « Leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent… mais il avait disparu de devant eux ». « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous expliquait les Écritures ? » Voir Jésus, c’est donc aussi participer avec foi à la célébration de l’eucharistie dominicale pour recevoir sa présence vivante dans ces deux nourritures, au cœur d’une assemblée de frères qui célèbre, sous la présidence du prêtre. Puissions-nous ne pas encourir ce reproche : « Je suis le pain de vie. Qui vient à moi n’aura jamais faim ; qui croit en moi n’aura jamais soif. Mais je vous l’ai dit : vous me voyez et vous ne croyez pas » (Jn 6, 35-36). Lors de la dernière Cène quand Jésus institue l’Eucharistie, il dit, prenant le pain : Ceci est mon Corps; et prenant la coupe de vin : Ceci est mon Sang . Il nous faut croire en sa parole Il est la Vérité même! Il ne peut pas mentir.
6. Recevoir les trois présences de Jésus lors de nos célébrations
Lorsque nous nous rassemblons le dimanche,
- Jésus ressuscité est présent au cœur de nos assemblées et dans le frère présent à côté de moi : « Que deux ou trois, en effet, soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux »;
- Jésus ressuscité nous donne sa Parole proclamée et partagée : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit à celui qui m’a envoyé a la vie éternelle et ne vient pas en jugement, mais il est passé de la mort à la vie. » (Jn 5, 24).
- Jésus ressuscité se donne à nous dans son Corps et son Sang, nourriture de vie éternelle. Cette présence est différente et plus profonde que les deux précédentes, car elle entretient en nous la Vie : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et ne buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est vraiment une nourriture et mon sang vraiment une boisson. Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé et que je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. » (Jn 6, 54-57).
7. Accueillir la présence « réelle » de Jésus dans l’Eucharistie
Pourquoi la présence de Jésus dans l’Eucharistie est-elle dite « réelle » ? Peut-être pourrions-nous relire ce qu’écrivait le pape Paul VI dans sa Profession de foi catholique en 1968 ?
Nous croyons que la messe célébrée par le prêtre représentant la personne du Christ en vertu du pouvoir reçu par le sacrement de l’ordre, et offerte par lui au nom du Christ et des membres de son Corps mystique, est le sacrifice du calvaire rendu sacramentellement présent sur nos autels. Nous croyons que, comme le pain et le vin consacrés par le Seigneur à la Sainte Cène ont été changés en son corps et en son sang qui allaient être offerts pour nous sur la croix de même le pain et le vin consacrés par le prêtre sont changés au corps et au sang du Christ glorieux siégeant au ciel, et Nous croyons que la mystérieuse présence du Seigneur, sous ce qui continue d’apparaître à nos sens de la même façon qu’auparavant, est une présence vraie, réelle et substantielle.
Le Christ ne peut être ainsi présent en ce sacrement autrement que par le changement en son corps de la réalité elle-même du pain et par le changement en son sang de la réalité elle-même du vin, seules demeurant inchangées les propriétés du pain et du vin que nos sens perçoivent. Ce changement mystérieux, l’Église l’appelle d’une manière très appropriée transsubstantiation. Toute explication théologique, cherchant quelque intelligence de ce mystère, doit, pour être en accord avec la foi catholique, maintenir que, dans la réalité elle-même, indépendante de notre esprit, le pain et le vin ont cessé d’exister après la consécration, en sorte que c’est le corps et le sang adorables du Seigneur Jésus qui dès lors sont réellement devant nous sous les espèces sacramentelles du pain et du vin, comme le Seigneur l’a voulu pour se donner à nous en nourriture et pour nous associer à l’unité de son Corps mystique.
L’unique et indivisible existence du Seigneur glorieux au ciel n’est pas multipliée, elle est rendue présente par le sacrement dans les multiples lieux de la terre où la messe est célébrée. Et elle demeure présente, après le sacrifice, dans le Saint Sacrement, qui est, au tabernacle, le cœur vivant de chacune de nos églises. Et c’est pour nous un devoir très doux d’honorer et d’adorer dans la sainte hostie, que nos yeux voient, le Verbe incarné qu’ils ne peuvent pas voir et qui, sans quitter le ciel s’est rendu présent parmi nous.
Et encore, dans le Catéchisme de l’Église Catholique :
1376 Le Concile de Trente résume la foi catholique en déclarant : “ Parce que le Christ, notre Rédempteur, a dit que ce qu’il offrait sous l’espèce du pain était vraiment son Corps, on a toujours eu dans l’Église cette conviction, que déclare le saint Concile de nouveau : par la consécration du pain et du vin s’opère le changement de toute la substance du pain en la substance du Corps du Christ notre Seigneur et de toute la substance du vin en la substance de son Sang ; ce changement, l’Église catholique l’a justement et exactement appelé transsubstantiation ” (DS 1642).
1377 La présence eucharistique du Christ commence au moment de la consécration et dure aussi longtemps que les espèces eucharistiques subsistent. Le Christ est tout entier présent dans chacune des espèces et tout entier dans chacune de leurs parties, de sorte que la fraction du pain ne divise pas le Christ (cf. Cc. Trente : DS 1641).