Sur le site du journal La Croix. Propos recueillis par Blandine Garot, le 15/07/2016 à 12h09. Le P. Gil Florini officie à la paroisse Saint-Pierre d’Arène, sur la Promenade des Anglais. Son église est à quelques mètres du lieu de l’attentat. Il a assisté au drame.
Contacté par le maire de la ville, Philippe Pradal, le P. Gil Florini s’est rapidement rendu à la cellule d’accueil ouverte au centre universitaire méditerranéen (CUM), à quelques mètres de son église. Une fois sur place, il a contacté d’autres prêtres pour leur demander de le rejoindre.
« La demande [de Philippe Pradal] était très simple : venir et écouter les victimes mais également les forces de l’ordre, les services de secours déployés toute la nuit et qui ressentaient le besoin de parler. On est resté jusqu’à 5 heures du matin. L’atmosphère était pesante, voire oppressante. Tout était très calme. Les personnes avaient beaucoup de difficulté à s’exprimer. On a accueilli toute la nuit peut-être près d’une centaine de personnes », explique le P. Gil Florini.
Certaines personnes étaient plus marquées que d’autres : « Nous avons notamment accueilli en fin de nuit le gardien de la boîte de nuit High Club. Il a assisté au drame car c’est devant l’entrée qu’il y a eu le plus de victimes. Il a tout de suite ouvert les portes de son club pour accueillir un maximum de personnes. Il était en état de choc. »
« On ne pouvait qu’écouter »
Des habitués, membres de la paroisse, étaient également présents. « Un de mes paroissiens, d’une trentaine d’années, est venu. Il recherchait son épouse qui était injoignable. Alors qu’il travaillait, elle assistait au feu d’artifice. Que dire, il fallait le réconforter mais sans faire de faux pas. C’était la difficulté de la soirée. Écouter, réconforter mais que dire face à l’horreur à laquelle nous avons assisté. »
C’est bien ce sentiment d’impuissance douloureuse qui prédominait. De ne pas savoir quoi faire, comment réagir, comment soutenir les personnes traumatisées par les événements. « Un autre jeune garçon de 15 ans, accompagné de son père, criait. On ne pouvait qu’écouter et accepter tant bien que mal son cri. Il y avait également des étrangers, des Allemands, des Italiens et des Anglais. Une famille coréenne était également parmi nous, leurs vêtements étaient couverts de sang. »
Si la nuit a été courte, il fallait pourtant être à nouveau présent dès le matin du 15 juillet. « Ce matin, quand j’ai ouvert mon église, je voyais encore des corps sur la promenade. Les policiers étaient en train de les relever. » Mais le P. Florini est déterminé à apporter tout le soutien possible : « Aujourd’hui, mon église restera ouverte. Les trois prêtres de la paroisse accueilleront toute la journée les paroissiens et nous resterons à leur écoute. »
Mgr Marceau, évêque de Nice
Où vous trouviez-vous jeudi 14 juillet au soir, au moment de l’attentat sur la Promenade des Anglais ?
Mgr André Marceau : J’ai quitté la Promenade à 19 heures, après avoir assisté à la cérémonie officielle du 14 juillet. Il y avait une ambiance sereine et ensoleillée, avec des vacanciers, loin des scènes d’horreur qui allaient s’y dérouler quelques heures plus tard. Cette nuit, après avoir appris l’attentat, je me suis tenu au courant continuellement.
Ce matin, les rues de Nice sont très calmes. C’est le calme de la mort, qui fait régner un climat très pesant.
Comment réagissez-vous au bilan très lourd ?
Mgr A. M. : Réagir à cet attentat, c’est d’abord dire que nous sommes confrontés, dans notre département, à une violence aveugle. C’est aussi poser une question : qu’est ce qui peut habiter le cœur d’un homme au moment où il agit ainsi, et qu’il perpétue cet acte de haine, de barbarie et de mort ? Ce sont des questions graves, et qui laissent sans réponse. Nous sommes témoins de scènes de guerre, insupportables. C’est l’inhumanité sous nos yeux.
Le rôle de l’Église, dans ce moment tragique est de dire des paroles de consolation, de compassion, et d’être au plus proche de ceux qui souffrent et qui ont perdu des amis ou de la famille. Nous devons ouvrir une fenêtre pour que s’éclairent un peu ces scènes de noirceurs de l’âme humaine. Nous croyons que la compassion et la consolation sont un moyen pour que le cœur de l’homme soit touché par l’amour.
Que va faire l’Église catholique à Nice aujourd’hui et ce week-end ?
Mgr A. M. : La cathédrale sera ouverte toute la journée. Des prêtres et des laïcs se tiendront à la disposition des visiteurs, pour les accueillir et les écouter. Plusieurs temps de prière sont organisés, et un cahier est ouvert pour permettre à ceux qui le souhaitent d’exprimer leurs questions, mais aussi leurs cris de douleur. Dans le week-end, il y aura peut-être une célébration interreligieuse. Pour l’instant, rien n’est fixé.
Nous devons aussi être attentifs, chacun d’entre nous, à ne pas nous laisser envahir par ce qui pourrait être de la haine, de la violence, des discriminations ou des replis sur soi. Il faut éviter cela à tout prix. Attention à ce que notre douleur ne génère pas ce qui est à l’origine de ces faits.