Le mystère du corps du ressuscité

« Mon mari me pose des questions sur Jésus et je ne sais pas trop quoi répondre… Lorsque Jésus ressuscite, comment est son corps ? Comme avant sa mort ? Différent ? C’est comme lors de la transfiguration ? Il est en lumière ? C’est un corps pas physique ? Mais qui a la même forme ou pas ? Pourquoi il est pris pour le jardinier s’il était semblable à avant sa mort ? Il me demande aussi si lorsqu’on ressuscitera, notre corps sera comme lorsqu’on est mort ou plus jeune ? Ou différent d’une autre manière ? C’est un corps sans chair ? » (mail reçu cette semaine).

Différencier les signes et la réalité

Avant sa propre résurrection, Jésus s’est montré transfiguré provisoirement, « métamorphosé » (Mc 9, 2). Et il a rappelé à la vie trois personnes : le fils unique de la veuve de Naïm (Lc 7, 11-16), la fille unique de Jaïre âgée de 12 ans (Lc 8, 41-56), et son ami Lazare (Jn 11). Ce sont des retours à la vie terrestre, de personnes cliniquement mortes (bien que Jésus parle de sommeil), et pour deux d’entre elles déjà enterrées. Dieu ajoute quelques années supplémentaires ; ce ne sont pas des résurrections, ces personnes mourront de nouveau. Ce sont des signes miraculeux manifestant le pouvoir de Jésus sur la mort, et prophétiques de sa propre résurrection.

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La résurrection est impensable

Si elle est admise dans la foi d’une partie du judaïsme au temps de Jésus, essentiellement en milieu pharisien, elle est considérée comme un événement eschatologique, se produisant à la fin des temps (cf. le dialogue de Marthe avec Jésus — Jn 11, 24), et collectif, concernant tous les hommes à la fois (cf. les paroles de Jésus en Jn 5, 28-29).

Nous pouvons ainsi saisir le caractère totalement innovant de la résurrection de Jésus, qui demeure un impensé et un impensable pour ses propres disciples : Marie-Madeleine le prend pour le jardinier, les disciples d’Emmaüs pour un voyageur… Un dialogue s’avère nécessaire qui provoque une vraie reconnaissance, suivie d’une distanciation. Jésus dit à M.-Madeleine de ne pas le toucher car il n’est pas encore « monté » vers le Père. Quant aux deux disciples, dont il est dit dans la finale de Marc que Jésus se manifesta à eux « dans une autre forme » (Mc 16, 12), « leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent, et il leur devint invisible… » (Lc 24, 31). Invisible, un mot unique dans le N.T. (aphantos, sans apparence).

Nous demeurons affrontés au mystère

Le corps de Jésus ressuscité est le fondement de la foi chrétienne, car comme l’affirme saint Paul aux Corinthiens, « si le Christ n’est pas ressuscité, alors vide est notre enseignement, vide est notre message » (1 Co 15, 13-14). Si le corps de Jésus est mort biologiquement, il paraît pourtant vivant aux apôtres, donc animé d’une autre vie, mais de quelle nature ?

Jésus, interrogé pendant sa vie publique sur la question de la résurrection définitive, est resté évasif : « les fils de la résurrection… ne peuvent mourir, ils sont les égaux des anges, ils sont les fils de Dieu » (Lc 20, 36).

Dans les années 50, Paul affronte cette difficulté dans la première lettre aux Corinthiens. Il introduit à cette occasion diverses notions capitales pour la foi chrétienne qui explicitent la difficulté sans vraiment la résoudre. Un corps ressuscité est « un corps spirituel », incorruptible, immortel et glorieux. C’est un corps « transformé » à la ressemblance du corps ressuscité de Jésus (1 Co 15, 35-53)

Pour mener à la foi, l’oreille est plus utile que l’œil ou la main

Marie-Madeleine était allée au tombeau pour chercher le corps de Jésus, mais ce qu’elle trouva à la place fut un message oral proféré par les anges (Jn 20, 13). C’est seulement lorsque son angoisse s’avère inconsolable que le message oral est remplacé par le corps de Jésus — non pas le corps mort qu’elle avait cherché, mais son corps ressuscité (Jn 20, 14 s.). Thomas aussi a cherché à toucher Jésus, et même s’il a retiré sa demande et a affirmé sa foi sur la seule base de la vue, Jésus rejette cette foi de second rang en la comparant à la foi de ceux qui entendent seulement un message verbal et qui parviennent néanmoins à croire seulement sur cette base. L’accueil de la Résurrection de Jésus s’accomplit sur la base de l’écoute dans la foi du témoignage apostolique.

Heureux ceux qui croient sans avoir vu

Cette béatitude, n’est ni une condamnation de nos doutes légitimes, ni une invitation à la crédulité, mais une invitation à ne pas rester enfermés dans nos doutes. Il y a des doutes féconds qui invitent à aller toujours plus loin dans la compréhension du mystère de Dieu : ces doutes sont des tremplins, des étapes pour creuser davantage notre foi. Il y a aussi des doutes stériles qui empêchent d’avancer dans la foi : « puisque je ne peux pas comprendre, je décide de ne pas aller plus loin et je laisse la foi de côté ». Peut-être est-ce cette attitude-là que le Christ a reprochée à Thomas, et que nous devons éviter.

Différents modèles de foi

Tout chrétien est appelé à « croire sans avoir vu » (Jn 20, 29), à reconnaître en Jésus le Fils de Dieu, à recevoir le témoignage des apôtres. M.-Madeleine est la première envoyée annoncer la résurrection, ce qui fait d’elle « l’apôtre des apôtres ». Jean est le premier des disciples à croire en la Résurrection de Jésus sans le voir. Et Thomas est le premier des apôtres à surmonter les différents niveaux du doute, et à reconnaître que Jésus ressuscité dans sa chair est vraiment Dieu. Quant à nous, nous croyons à sa présence au cœur de nos vies et de l’histoire, et nous vivons de son Esprit !