Par Arnaud Alibert, La Croix
Adoptée par le premier congrès olympique de 1894, la devise des JO, « Plus vite, plus haut, plus fort », est l’œuvre d’un prêtre, le dominicain Henri Didon, ami de Pierre de Coubertin. Grand prédicateur du XIXe siècle, Henri Didon est en quelque sorte le père de l’olympisme moderne.
Qui se douterait que la devise olympique « Plus vite, plus haut, plus fort » (Citius, altius, fortius en latin) est l’œuvre d’un religieux ? C’est en effet le père Henri Didon, un dominicain du XIXe siècle, qui en est l’auteur.
Connu avant tout pour son éloquence, le père Didon entre dans l’histoire du sport par sa rencontre avec Pierre de Coubertin (1863-1937), le 2 janvier 1891 à Paris, raconte l’historien Yvon Tranvouez, dont la biographie d’Henri Didon devrait paraître en 2024, année des JO, aux Éditions du Cerf.
« Rapprocher l’Église de la République »
À ce moment-là, l’ambition du baron de Coubertin est de convaincre le religieux, alors directeur du collège dominicain d’Arcueil (dans l’actuel Val-de-Marne), d’associer à des jeux sportifs communs les élèves de l’école publique et ceux des écoles catholiques. Ayant accepté l’offre, le père Henri Didon fera broder sur les tenues sportives des élèves la formule latine qui deviendra celle de l’olympisme (1).
Si certains ont suggéré que altius – « plus haut » – a une connotation spirituelle, Yvon Tranvouez, professeur émérite d’histoire contemporaine de l’université de Brest qui a collaboré au travail des évêques de France sur le sport (2), n’est pas convaincu par cette interprétation. « L’essentiel, pour le père Didon, a toujours été de réconcilier l’Église et la société moderne. Il accepta les compétitions entre écoles parce qu’il y voyait une manière de rapprocher l’Église de la République. Disciple d’Henri Lacordaire, lui aussi dominicain, il était avant tout un catholique libéral », souligne-t-il.
Lors des JO de 2000, rappelle l’historien, La Poste avait célébré Henri Didon par un timbre à son effigie. Ce qui avait valu l’ire de ses contempteurs, qui retiennent de lui une sortie antidreyfusarde. Or, selon son biographe, il ne convient pas de faire de lui un antisémite. « Henri Didon est républicain, libéral et patriote. Ayant été aumônier lors de la guerre de 1870, il veut défendre l’armée à tout prix, bien plus que s’en prendre à Dreyfus. »
Complémentarité du sport et de la spiritualité
Son radicalisme politique est donc à aller chercher ailleurs. Lors du deuxième congrès du CIO, en juillet 1897 au Havre, le père Didon indique : « Pour que les associations sportives produisent tous leurs effets, je voudrais qu’elles fussent absolument intransigeantes sur le point d’honneur et sur la dignité de l’athlète. Pas de compromis. – Monsieur, vous avez violé la loi, vous êtes disqualifié. – Monsieur, vous avez menti, vous êtes disqualifié. – Monsieur, vous avez maltraité votre adversaire, vous êtes disqualifié. Un point, c’est tout. Avec des mœurs pareilles, nous irons peut-être avec succès à l’encontre de ces consciences de caoutchouc que la politique a malheureusement tendu à développer, parce que la politique, étant faite d’intérêts, pousse au compromis, et que le compromis est toujours une entorse faite à la conscience. »
Plus d’un siècle après, l’Église voit toujours dans les Jeux olympiques l’occasion d’interroger la complémentarité du sport et de la spiritualité. « L’Évangile se lit entre les lignes de la charte de l’olympisme », a souligné Mgr Emmanuel Gobilliard, évêque délégué du Vatican pour les Jeux olympiques de Paris, alors que le diocèse présentait lundi 17 avril son dispositif pastoral pour les JO de 2024.
Arnaud Alibert
(1) « Église et sport » – Documents Épiscopat n° 4-2021.
(2) Voir aussi Alain Arvin-Bérod, Les Enfants d’Olympie, Cerf, 1996, 254 p.