Au deuxième jour de son voyage au Kazakhstan, le pape François a lancé, mercredi 14 septembre, un appel à des responsables religieux du monde entier pour que les religions ne conduisent « jamais à la guerre ».
La grande salle, avec sa moquette bleu roi au sol, fait penser à celles qui accueillent les sommets internationaux. Mais dans l’immense Palais de l’indépendance de Noursoultan, la capitale kazakhe, c’est un Congrès de responsables religieux que le pape a ouvert, mercredi 14 septembre.
Devant 80 d’entre eux, venus du monde entier, le pape a condamné tout usage de la violence au nom de Dieu. « Ne justifions jamais la violence. Ne permettons pas que le sacré soit instrumentalisé par ce qui est profane », a lancé François, arrivé la veille dans ce pays d’Asie centrale qui compte moins de 1 % de catholiques. « En mémoire des horreurs et des erreurs du passé, unissons nos efforts pour que jamais plus le Tout-Puissant ne devienne otage de la volonté de puissance humaine », a-t-il supplié.
« Que le sacré ne soit pas l’accessoire du pouvoir »
Assis à deux places du métropolite Antoine (Sevriouk) de Volokolamsk, le « ministre des affaires étrangères » du Patriarcat de Moscou, François a rappelé, en des termes plus diplomatiques, ce qu’il avait dit au mois de mars au patriarche Kirill. « Que le sacré ne soit pas l’accessoire du pouvoir et que le pouvoir ne soit pas l’accessoire du sacré ! », a imploré le pape.
Au patriarche, avec qui François s’était entretenu en mars, le pape avait affirmé que les responsables religieux ne devaient jamais être « des enfants de chœur » des gouvernants. Le récit que l’évêque de Rome avait fait de cet entretien en mai au Corriere della Sera avait fait bondir le Patriarcat de Moscou.
Sans jamais évoquer explicitement la situation en Ukraine, qu’il a abordée frontalement la veille lors de son discours devant les dirigeants kazakhs, le pape a martelé : « Dieu est paix et conduit toujours à la paix, jamais à la guerre. » Avant d’inviter ceux qui ont pris place autour de la table à réduire les conflits « non pas avec les armes et les menaces, mais avec les seuls moyens bénis du Ciel et dignes de l’homme ».
Le pape, ainsi que les 80 autres responsables religieux présents ont observé, en ouvrant ce VIIe Congrès des dirigeants des religions mondiales et traditionnelles, quelques secondes de silence durant lesquelles ils ont prié « pour la paix ».
« Une purification du mal est nécessaire »
Autre allusion à peine voilée au soutien apporté par les responsables orthodoxes russes à la guerre en Ukraine, François a appelé à « une purification du mal », « nécessaire pour tous et pour chacun ».
« Celui qui permet le mal et ne s’oppose pas au mal ne peut pas être considéré comme un vrai croyant mais, dans le meilleur des cas, un croyant tiède », a souligné François, s’appuyant sur un passage du poète kazakh Abaï (1845-1904).
Haine, fanatisme et terrorisme
Au cours de son discours, durant lequel il s’est alarmé contre « le fléau de la guerre », le pape François a plaidé contre les « conceptions réductrices et destructrices qui offensent le nom de Dieu par les rigidités, les extrémismes et les fondamentalismes, et le profanent par la haine, le fanatisme et le terrorisme ».
De construction de la paix, il a aussi été question dans le discours du représentant du Patriarcat de Moscou. Mais lisant un message du patriarche Kirill, le métropolite Antoine a adopté, pour répondre au pape, un tout autre ton. Développant le thème de la perte des valeurs morales en Occident – une idée portée depuis des années par le Patriarcat de Moscou –, il a apporté, en quelque sorte, une réponse au pape.
« Il y a sans cesse moins d’amour et de compassion » dans la société, a-t-il regretté, en attribuant cet état de fait aux discours de certains médias et à la « falsification des faits historiques ». Sans jamais citer l’Ukraine, la guerre, ni évidemment la responsabilité de l’État russe dans l’ « opération militaire » en cours, selon le vocable local pour qualifier l’attaque contre son voisin occidental, il a aussi déploré « les paroles pleines de haines envers les autres peuples ».
« La polarisation qui touche certains pays (…) est plus forte que jamais », a-t-il estimé, en craignant la « menace de la faim totale » ou encore une possible « catastrophe nucléaire ».