L’unité au coeur du récit de la Passion de Jean

(Vendredi saint B — Jn 18,1 – 19,42) Prenons un petit moment pour recevoir quelques lumières de la contemplation de la Passion de Jésus par saint Jean.

La tunique sans couture : l’unité de l’Église

Les évangiles synoptiques écrivent : « Après l’avoir crucifié, ils se partagèrent ses vêtements en les tirant au sort » (Mt 27, 35). Jean développe en distinguant : les vêtements partagés en quatre et la tunique non déchirée (divisée, schizô). L’interprétation patristique est de considérer le vêtement porté par Christ comme l’Église du Christ ; distribué en quatre parts : « C’est l’Église répandue partout dans le monde » dira St Augustin. Mais la tunique du Christ est pour les Pères le symbole de l’unité de l’Église, en se basant sur l’épisode rapporté en 1 R 11, 29-31 (déchirer un vêtement coûteux, c’est une image biblique désignant la division du peuple). Ce symbole, placé ici, est aussi pour Jean l’accomplissement de la pensée de Caïphe sur la mort du Christ : « afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11, 52).

Marie au pied de la croix : la mission ecclésiale de Marie (19, 26-27)

Si l’on traduit correctement le texte grec, on voit bien le transfert de la maternité de Marie de Jésus à Jean : « Jésus, voyant SA mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à LA mère : « Femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple : « Voici TA mère. » Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui » (Jn 19, 26-27). La femme qui était la mère de Jésus devient la mère par excellence, et enfin la mère du disciple.

Marie est désignée ainsi comme mère de l’Église. Sa maternité spirituelle est un don fait à l’Église pour son unité. Les traductions françaises ont tendance à effacer l’articulation (« d’une part, les soldats… d’autre part… sa Mère »). Ce que font les soldats dans le premier tableau est comme l’annonce et la préfiguration de ce qui se produit dans le suivant. On passe du symbole à la réalité : l’unité réalisée dans la mère de Jésus avec le disciple.

Écouter l’homélie

Tout est accompli : la maternité mariale à recevoir (19,28-30)

La dernière parole de Jésus : « Tout est accompli, achevé » concerne la scène qui vient de se terminer et non pas la prise de la boisson vinaigrée. Jésus accomplit l’Heure en donnant sa mère. Sa dernière action messianique est décrite dans la scène de Marie et du disciple. Le disciple la reçoit comme un don. Il l’accueille comme sa mère.Jésus savait que sa tâche messianique, entièrement décrite dans l’Écriture, était désormais accomplie. Ce qui donne un poids tout particulier à la maternité mariale comme un don de Jésus à honorer.

D’où la nécessité de bien traduire : « Après cela / sachant que tout, désormais, était achevé pour que l’Écriture s’accomplisse jusqu’au bout / Jésus dit : « J’ai soif. » L’accomplissement de l’Écriture ne consiste pas dans l’expression de la soif satisfaite par le vinaigre, mais dans le don de la mission maternelle à dimension ecclésiale faite à Marie.

Inclinant la tête, il remit l’esprit : le don de l’Esprit (19,30)

Selon la vision johannique, la venue de l’Esprit coïncide avec l’heure de la glorification de Jésus, qui est son élévation sur la croix. « Il faut que le fils de l’homme soit élevé » (3,14). La mort de Jésus sur la croix est une élévation, une glorification, un sujet de gloire.

Jésus transmet l’Esprit à travers son dernier souffle, qui serait moins à traduire : il expira, que : il remit l’Esprit. Ici, déjà, Jésus répand l’Esprit sur la petite communauté symbolique formée de Marie et de Jean. La mort de Jésus ouvre le passage à l’Esprit. C’est Jésus lui-même qui ouvre le temps de l’Esprit, et il le donnera, Ressuscité, aux Onze en soufflant sur eux : « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22).

Le coeur ouvert d’où s’échappent l’eau et le sang ne font que prolonger cette vision. Le sang et l’eau, c’est l’Esprit de Jésus communiqué par Jésus lui-même à l’Église. C’est la vie profonde de Jésus actualisée dans l’Église par l’Esprit et les sacrements.