Mon fils que voilà !

Encore une fois Jésus est piégé. Les gens qui se pressent pour écouter Jésus : ce sont ceux qui de notoriété publique sont des pécheurs (Luc dit « Les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter ») . Mais il y a aussi des gens honnêtes, qui, à chaque instant et dans les moindres détails de leur vie quotidienne, essaient de faire ce qui plaît à Dieu : des Pharisiens et des scribes.

Il faut savoir que les Pharisiens étaient réellement des gens très bien : très pieux et fidèles à la Loi de Moïse ; ceux-là ne peuvent qu’être choqués : si Jésus avait un peu de discernement, il verrait à qui il a affaire ! Or, dit toujours Saint Luc « cet homme fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux ! » Plus grave encore, les Pharisiens étaient très conscients de la sainteté de Dieu et il y avait à leurs yeux incompatibilité totale entre Dieu et les pécheurs ; donc si Jésus était ami de Dieu, il ne pourrait pas côtoyer des pécheurs.

Découvrir Dieu comme Père. Jésus raconte cette parabole pour les faire aller plus loin, pour leur faire découvrir un visage de Dieu qu’ils ne connaissent pas encore, le vrai visage de leur Père. Le personnage principal dans cette histoire, c’est le père, le Père avec un P majuscule, bien sûr. Ce Père a deux fils et ce qui est frappant dans cette histoire, c’est que ces deux fils ont au moins un point commun : leur manière de considérer leur relation avec leur père. Ils se sont conduits de manière très différente, c’est vrai, mais, finalement, leurs manières d’envisager leur relation avec leur père se ressemblent !

Où donc est le péché ? Il est vrai que le fils cadet a gravement offensé son père, l’autre non en apparence, mais ce n’est pas si sûr… car l’un et l’autre, en définitive, font des calculs. Celui qui a péché dit « je ne mérite plus » ; celui qui est resté fidèle dit « je mériterais bien quand même quelque chose ». L’un et l’autre envisagent leur attitude filiale en termes de comptabilité.

Se reconnaître fils, c’est sortir de la perdition. Le Père, lui, est à cent lieues des calculs : il ne veut pas entendre parler de mérites, ni dans un sens, ni dans l’autre ! Il aime ses fils, c’est tout. Il n’y a rien à comptabiliser. Le cadet disait « donne-moi ma part, ce qui me revient… » Le Père va beaucoup plus loin, il dit à chacun « tout ce qui est à moi est à toi ». Il ne laisse même pas le temps au fautif d’exprimer un quelconque repentir, il ne demande aucune explication ; il se précipite pour faire la fête « car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé ».

Découvrir l’Amour gratuit. Elle est bien là la leçon de cette parabole : avec Dieu, il n’est pas question de calcul, de mérites, d’arithmétique : or c’est une logique que nous abandonnons très difficilement ; toute la Bible, dès l’Ancien Testament est l’histoire de cette lente, patiente pédagogie de Dieu pour se faire connaître à nous tel qu’il est et non pas tel que nous l’imaginons. Avec lui il n’est question que d’amour gratuit… Il n’est question que de faire la fête chaque fois que nous nous rapprochons de sa maison.

Le grand respect de Dieu pour notre liberté. Un lien avec la première lecture qui est tirée du livre de Josué : elle nous rappelle que le peuple d’Israël a été nourri par la manne pendant sa traversée du désert ; mais ici il n’y a pas de manne pour le fils qui refuse de vivre avec son père ; il s’en est coupé lui-même, en faisant usage de sa liberté.

Dans la parabole de la brebis perdue, dans ce même chapitre 15 de Luc, le berger va aller chercher lui-même et rattraper sa brebis perdue, mais le père ne va pas faire revenir son fils de force, il respecte trop sa liberté.

Des balises pour la conversion et l’évangélisation

* La conversion de nos fausses assurances qui cabossent en nous l’attitude filiale :

– la peur du jugement de Dieu par rapport à notre péché ;

– la comptabilité où nous gardons jalousement notre pré carré ;

– le souci du perfectionnisme qui nous fait nous réapproprier la sainteté comme un mérite ;

le fils prodigue comme le larron crucifié revêtent la sainteté de l’Amour inconditionnel divin…

* La mise en œuvre des vraies attitudes évangélisatrices qui témoignent de l’amour inconditionnel :

– le respect et la patience envers celui qui dilapide l’héritage

– l’accueil inconditionnel sans aucun jugement envers la personne qui revient

– le sens de l’accueil comme une fête et une joie

→ Pour aller plus loin : Jésus révèle l’amour inconditionnel (Petite École Biblique n° 88)