Un affrontement décisif

(1° D. CAR B — Mc 1, 12-15) En cette année saint Marc, le traditionnel « récit des tentations » du 1er dimanche est lu dans cet évangile. Immédiatement avant ce récit très sobre, Jésus, reçoit l’Esprit qui traverse les cieux ouverts, et il apparaît comme celui qui vient conduire son peuple. Sa mission s’accomplira comme un service, celle du Serviteur mené par l’Esprit.

Tentation ou mise à l’épreuve ?

L’Esprit Saint n’est pas donné comme une protection, mais comme une force pour le combat. Dans le texte de Marc, Jésus est « jeté au désert » par l’Esprit pour y être tenté par Satan. Jésus vient au désert en obéissance au Père, pour être lui-même tenté, testé par l’ennemi de l’homme. Il entre dans son territoire (comme il le fera en entrant dans la mort), pour l’attirer à lui, le combattre et le vaincre.

Dans notre langage, « être tenté » signifie être incité au mal. Si nous en appelons à notre expérience, nous savons que nous sommes tentés le plus souvent parce qu’une situation donnée trouve en nous une complicité du fait de notre péché, de notre faiblesse, ou de nos blessures. Mais nous ne pouvons pas attribuer à Jésus nos conflits d’hommes pécheurs, car il est totalement étranger au mal.

En réalité, la notion biblique de tentation est plutôt l’épreuve, ou encore le test : mise à l’épreuve de l’homme par ses adversaires, par Dieu lui-même. Quand Dieu emmène son peuple au désert pour faire alliance avec lui, il lui envoie des épreuves afin que son peuple manifeste quels sont ses attachements profonds :

Souviens-toi des marches que le Seigneur ton Dieu t’a fait faire pendant quarante ans dans le désert, afin de t’humilier, d’éprouver et de connaître le fond de ton cœur (Dt 8, 2).

Dans le texte de Marc, c’est Dieu qui, par son Esprit, pousse Jésus au désert, lieu de l’épreuve, lieu où se manifeste ce qu’il y a dans le cœur de l’homme, mais c’est Satan qui l’éprouve, qui le tente, qui le teste.

Écouter l’homélie

Entre les bêtes et les anges

La victoire de Jésus au désert est décrite en deux expressions bibliques : « Il était avec les bêtes sauvages et les anges le servaient. » Quelle signification donner à ces images ?

– La cohabitation sereine de Jésus avec les bêtes sauvages peut être vue comme une réalisation des prophéties d’Isaïe évoquant les temps messianiques où « le loup habite avec l’agneau, la panthère se couche près des chevreaux, quand la vache et l’ours se lient d’amitié » (Is 11, 6-7 ; cf. 65, 25). Jésus est ainsi présenté comme le nouvel Adam, celui qui nous fait entrer dans la réconciliation universelle annoncée pour les derniers temps.

– Cette relation entre les bêtes sauvages et le service des anges est également attestée dans le Psaume 91 : « le Seigneur a donné ordre à ses anges de le garder en toutes ses voies » et les bêtes sauvages, hôtes du désert (Dt 8, 15), ne pourront rien contre le croyant : « Sur le lion et la vipère, tu marcheras, tu fouleras le lionceau et le dragon » (Ps 91, 13). Les bêtes sauvages respectent Jésus et les anges le servent parce que, mis à l’épreuve, il a gardé sa confiance en Dieu. La victoire de Jésus sur Satan est celle d’une radicale confiance en Dieu.

L’annonce de la Bonne Nouvelle est en route

Ainsi, toute l’action du Christ est présentée comme une lutte de l’Esprit contre Satan. Ce n’est pas seulement un épisode particulier de la vie de Jésus, mais, à travers cet épisode situé avant son entrée en scène, Marc nous présente le choix fondamental de Jésus : obéissance et confiance.

Le récit de la tentation nous montre Jésus vainqueur des forces de mort, trait d’union entre ciel et terre, exerçant une royauté sur l’univers entier. Jésus dira plus tard : « personne ne peut entrer dans la maison d’un homme fort et piller ses biens, s’il ne l’a d’abord lié » (3, 27). C’est ce qu’il vient de faire au désert ; c’est aussi pourquoi Marc insiste ensuite sur le succès des exorcismes de Jésus. Alors, maintenant, en avant, voici le temps de la proclamation de l’Évangile de Dieu. Dont le programme est énoncé en une parole d’espérance et d’action, qui devient le test de notre Carême :

« Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche.

Convertissez-vous et croyez à l’Évangile »(v. 15).