Nous avons trouvé le Messie

(2° D. TO. B — Jn 1, 35-42). Nous commencerons la lecture de Marc à partir de dimanche prochain. L’Épiphanie inclut traditionnellement trois mystères : l’adoration des Mages, le Baptême du Seigneur et les noces de Cana (nous retrouvons cet ordre l’année C). Cette année B, à la place des Noces de Cana, nous écoutons un passage de Jean 1, dont on pourrait dire aussi qu’il est une épiphanie, une révélation de Jésus comme Messie, transmise par André à Pierre : « Nous avons trouvé le Messie ».

Jésus se révèle à travers les appels des disciples

Selon les trois Synoptiques, au début de sa prédication Jésus a appelé à sa suite quatre Galiléens, noyau originel du groupe des Douze. Nous entendrons d’ailleurs ce même récit dimanche prochain. Alors pourquoi la liturgie répète-telle cet épisode ? Outre ce que nous avons dit sur l’Épiphanie, c’est que, chez Jean, l’épisode est complètement transformé par la présentation johannique. Le lieu n’est pas la Galilée ; les futurs disciples ne sont pas appelés par une parole impérative. Ils sont orientés vers Jésus par le Témoin Jean, et ils reconnaissent en lui, sous divers titres, le Messie d’Israël.

Car le récit plus large, Jn 1, 35-51, est comme une initiation au mystère de Jésus destinée aux croyants et aux catéchumènes. On y trouve un approfondissement de la foi en Jésus (progressif mais rapide), qui commence avec « l’agneau de Dieu » (v. 36), pour conduire au « rabbi » et « maître » (v. 38) puis au « messie » (v. 41), jusqu’à « celui de qui il est écrit dans la Loi de Moïse et dans les prophètes » (v. 45), « le Fils de Dieu, le roi d’Israël » (v. 49) et « le Fils de l’homme » (v. 51). Avec les disciples, les lectrices et les lecteurs sont introduits pas à pas dans le mystère de Jésus.

Écouter l’homélie

C’est un appel qui suscite la liberté et attise le désir

Les premiers disciples de Jésus ne sont pas présentés par Jean comme des pêcheurs de Galilée qui abandonnent leurs barques pour suivre Jésus (dans le récit synoptique, nettement expéditif), mais comme des hommes qui sont déjà en recherche, occupés du Dieu sauveur qu’ils ont voulu attendre auprès du Baptiste. Celui-ci leur présente Jésus non pas d’abord comme messie, mais comme rédempteur, « L’Agneau de Dieu ». Les deux disciples entendent cette annonce et la reçoivent : ils « suivent » Jésus. La manière dont l’évangéliste présente les choses est dialogale, synodale pourrait-on dire. Jésus « se retourne », comme pour prendre en compte le passé que Dieu a conduit dès les origines et d’où les disciples viennent à lui.

« Que cherchez-vous ? » Première parole du Christ en Jean, une question ! Son enseignement sera une suite de questions, d’appels destinés à éveiller les réponses vraies. Il posera cette même question à Marie-Madeleine, et il y aurait tout un rapprochement à faire entre ces deux récits. Elle laisse percevoir toute une théologie de l’appel à croire : la rencontre avec Jésus doit s’articuler avec l’accomplissement des désirs les plus profonds de la personne.

« Où demeures-tu ? » Demeurer » est un des mots favoris de Jean. Ici, le mot signifie « habiter ». Mais il peut aussi signifier : quelle est ta théologie ? Rabbi, qu’as-tu à dire sur Dieu ? La tradition estime que le disciple non nommé est Jean lui-même, frère de Jacques. La dixième heure (16 h) dévoilera à Jean sa vocation : devenir celui qui demeure jusqu’à ce que le Maître vienne (21, 22-23), jusqu’à ce que passent cieux et terre et s’accomplisse la Nouvelle Genèse dans le Royaume.

Un appel pour être auprès de Jésus, demeurer en lui

Les appels (en Jn 1,35-51) sont comme une course de relais où chaque coureur transmet le relais au suivant. Ainsi, André, l’un des deux premiers appelés, rencontre son frère Simon, lui dit : « Nous avons trouvé le messie (ce qui signifie le Christ) » et l’amène à Jésus. Simon vient à Jésus par l’intermédiaire de son frère André, le protoclet, le premier appelé. Cette rencontre est le lieu d’une double identification : André appelle Jésus « le messie, le Christ » ; Jésus appelle Simon « Céphas, Pierre », lui donnant sa vocation de « roc ».

Chez les Synoptiques, le nom nouveau de Pierre est lié à une nouvelle tâche. En Jn 1, 40-42, la désignation de Simon comme « Céphas » « Pierre », correspond à la désignation de Jésus comme messie. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de la personne, non de l’œuvre. Cette perspective correspond à celle de Jn 1,35-39 : être auprès de Jésus et voir où il demeure précède tout projet de se mettre à son service. On trouve déjà un parallèle de cette considération en Mc 3, 14s. : « Il en fit douze, pour qu’ils soient avec lui et pour qu’il les envoie proclamer la Bonne Nouvelle ».

On pense aussi à la parole par laquelle Jésus a explicité en quoi consiste le « suivre » : après la demande des Grecs désireux de le voir (« Nous voulons voir Jésus », 12,21), Jésus répond à Philippe et André qui se sont fait leurs intermédiaires qu’il s’agit de participer à la relation qui l’unit au Père :

« Si quelqu’un me sert, qu’il me suive, et là où je suis, là aussi sera mon serviteur » (12, 26).