Benoît XVI, dans son livre Dernières conversations, avec Peter Seewald, Fayard, 2016, pp. 268-270.
Il y a une question qui ne cesse de nous préoccuper : où est réellement ce dieu dont nous parlons, dont nous attendons de l’aide ? Comment et où peut-on Le localiser ? Nous voyons désormais de plus en plus loin dans l’univers aux milliards de planètes, aux innombrables systèmes solaires, or si loin que portent aujourd’hui nos regards, il n’existe aucun endroit que l’on puisse se représenter comme le firmament où Dieu est censé trôner.
(Il rit.) C’est vrai, parce que cet endroit dont vous parlez, celui où Il trône, n’existe pas. Dieu lui-même est le lieu qui existe au-dessus de tous les lieux. Si vous observez le monde, vous ne voyez pas de firmament ; en revanche, vous voyez partout les traces de Dieu. Dans l’organisation de la matière, dans toute la rationalité de la réalité. Et là où vous voyez des hommes, vous trouvez aussi les traces de Dieu. Vous voyez le vice, mais vous voyez également la bonté, l’amour. Voilà les « lieux » où se trouve Dieu.
Il faut se détacher complètement de ces anciennes représentations spatiales qui ne fonctionnent plus. Parce que si le cosmos n’est pas infini au sens strict du terme, il est tout de même si vaste que nous pouvons, nous les hommes, le définir comme infini. Dieu ne peut se trouver ni à l’intérieur ni à l’extérieur, sa présence est tout autre.
Il est capital de renouveler notre pensée sur bien des points, de nous débarrasser entièrement de ces vieilles histoires d’espace pour aboutir à une compréhension nouvelle. De même qu’il existe entre les hommes une présence psychique — deux êtres humains peuvent être en contact par-delà les continents parce qu’il s’agit d’une dimension qui n’est pas spatiale -, de même Dieu ne se trouve pas dans un « quelque part », il est la réalité. La réalité qui porte toute la réalité. Et cette réalité n’a pas besoin de coordonnées. Parce que dire « où », c’est déjà délimiter, ce n’est déjà plus l’infini, le Créateur, le Tout, qui recouvre l’ensemble du temps et n’est pas lui-même temps, parce qu’il le crée et est toujours présent.
Je crois qu’il y a beaucoup à changer sur ce point. De même que notre image de l’homme s’est complètement transformée. Nous n’avons plus six mille ans d’histoire*, mais je ne sais combien plus. Mais laissons ces chiffres hypothétiques. En tout état de cause, grâce à cette connaissance, la structure du temps du point de vue historique se présente aujourd’hui différemment.
Dans ce contexte, la théologie doit se pencher sur les œuvres de manière encore plus approfondie et livrer aux hommes d’autres possibilités de représentation. La traduction de la théologie et de la foi dans le langage actuel laisse encore énormément à désirer ; on doit créer des modèles de représentation qui aident les hommes d’aujourd’hui à comprendre qu’il ne faut pas chercher Dieu « quelque part ». Il y a fort à faire.
Dieu est-Il alors une sorte d’esprit, d’énergie ? La foi chrétienne parle pourtant d’un Dieu personnel.
Justement. Le fait qu’Il soit une « personne » signifie qu’on ne peut pas le circonscrire « quelque part ». En ce qui nous concerne nous, les hommes, la « personne » est également ce qui dépasse le simple espace et nous ouvre à l’infini. Le fait que je puisse être ici et ailleurs. Que je ne sois pas seulement là où mon corps se trouve à l’instant présent, mais que je vive au loin. Et précisément parce qu’un individu est une « personne », il m’est impossible de le fixer à un endroit physique — parce que la personne est ce qui est plus vaste, ce qui est différent, plus grand.
Vous ne vous faites aucune image de Dieu ?
Non.
Comme les juifs ?
Oui. Évidemment, Dieu est présent dans Jésus-Christ, il est présent dans un être humain.
« Celui qui m’a vu a vu le Père » ?
Oui. Ici, on peut vraiment se le représenter.
* Image donnée dans la chronologie biblique (N.d.A.).
Après cette lecture, on peut faire une comparaison avec ce que raconte Vicka, voyante présumée de la Vierge à Medjugorje, sur son voyage au paradis, au purgatoire, et en enfer.