Pain rompu

Fête du Corps et du Sang du Christ

Répéter le geste de Jésus

Par deux fois, l’Apôtre Paul, écrivant à la communauté de Corinthe, rapporte de commandement de Jésus dans le récit de l’institution de l’Eucharistie. C’est le témoignage le plus ancien sur les paroles du Christ lors de la Dernière Cène. « Faites cela » (2 fois). C’est-à-dire prenez le pain, rendez grâce et rompez-le ; prenez le calice, rendez grâce et distribuez-le. Jésus commande de répéter le geste par lequel il a institué le mémorial de sa Pâque, au moyen duquel il nous a donné son Corps et son Sang. Et ce geste est parvenu jusqu’à nous : c’est le « faire » l’Eucharistie, qui a toujours Jésus comme sujet, mais qui se réalise à travers nos pauvres mains ointes d’Esprit Saint.

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Et deux autres petits gestes

Devant les foules fatiguées et affamées, Jésus dit aux disciples : « Donnez-leur vous-mêmes à manger » (Lc 9, 13). En réalité c’est Jésus qui bénit et rompt les pains jusqu’à rassasier tous ces gens, mais les cinq pains et les deux poissons ont été offerts par les disciples, et Jésus voulait précisément ceci : qu’au lieu de congédier la foule, ils mettent à sa disposition le peu qu’ils avaient. Et ensuite, il y a un autre geste : les morceaux de pain, rompus par les mains saintes du Seigneur, passent dans les pauvres mains des disciples, qui les distribuent aux gens.

Cela aussi c’est « faire » avec Jésus, c’est « donner à manger » avec lui. Il est clair que ce miracle est signe de ce que le Christ entend accomplir pour le salut de toute l’humanité en donnant sa chair et son sang. Et cependant il faut toujours passer par ces deux petits gestes : offrir le peu de pains et de poissons que nous avons ; recevoir le pain rompu des mains de Jésus et le distribuer à tous.

Accepter d’être rompus

Jésus s’est rompu, il se rompt pour nous. Et il nous demande de nous donner, de nous rompre pour les autres. Justement ce « rompre le pain » est devenu le signe de reconnaissance du Christ et des chrétiens. Emmaüs : ils le reconnurent « à la fraction du pain » (Lc 24, 35). La première communauté de Jérusalem : « Ils étaient assidus […] à la fraction du pain » (Ac 2, 42). C’est l’Eucharistie, qui devient depuis le commencement le centre et la forme de la vie de l’Église.

Mais pensons aussi à tous les saints et saintes – célèbres ou anonymes – qui se sont « rompus » eux-mêmes, leur propre vie, pour « donner à manger » à leurs frères. Des parents, avec le pain quotidien coupé sur la table de la maison, ont rompu leur cœur pour faire grandir leurs enfants ! Des chrétiens, comme citoyens responsables, ont rompu leur propre vie pour défendre la dignité de tous, spécialement des plus pauvres ! Des moines et moniales, comme des vigiles silencieuses, ont répandu leur vie dans la monotonie du quotidien pour féconder l’Église de leur prière. Où trouvent-ils la force pour faire tout cela ? Justement dans l’Eucharistie : dans la puissance d’amour du Seigneur ressuscité.

Recevoir ce sacrement avec une foi profonde

« Le Fils de Dieu ne s’incarne pas à nouveau en ces éléments car il s’est incarné une fois pour toutes, mais c’est dans cette chair qu’Il a assumée, qu’Il transforme le pain et le vin, Lui qui a multiplié les cinq pains et nourri ainsi des milliers de personnes au désert. Quand tu reçois les saints et vivifiants Mystères, représente-toi précisément le Christ Lui-même dans la forme du pain et du vin. […] Regarde dans le profond de ton cœur et là repose-toi et converse avec ton Hôte qui donne Vie.

Si tu reçois ainsi les Saints Mystères avec une foi profonde, tu constateras qu’ils t’apportent une inénarrable paix dans le fond de ton être. Tu te sentiras léger et merveilleusement heureux. Le Seigneur nous comble de bienfaits dans la mesure de notre foi ; Son Corps et Son Sang se manifestent comme autant de sources de vie, de braises enflammées dans le cœur du croyant, selon le degré de ses dispositions ». (Saint Jean de Cronstadt, + 1908). Canonisé en 1990 par le patriarcat de Moscou, c’est l’une des figures majeures de la spiritualité russe — http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Cronstadt/table.html).

« L’unique et indivisible existence du Seigneur glorieux au ciel n’est pas multipliée, elle est rendue présente par le sacrement dans les multiples lieux de la terre où la messe est célébrée. Et elle demeure présente, après le sacrifice, dans le Saint Sacrement, qui est, au tabernacle, le cœur vivant de chacune de nos églises. Et c’est pour nous un devoir très doux d’honorer et d’adorer dans la sainte hostie, que nos yeux voient, le Verbe incarné qu’ils ne peuvent pas voir et qui, sans quitter le ciel s’est rendu présent parmi nous » (Paul VI, Profession de foi catholique, 1968).