(3° D. TO. B — Mc 1, 14-20) Nous commençons donc ce dimanche la lecture de Marc. Tout au long de la première partie de son évangile (ch. 1, 3, 6), on perçoit bien comment le regard se déplace en un va-et-vient entre Jésus (son annonce, sa mission, sa prédication) et les disciples (la vocation des quatre premiers, l’institution des douze, leur envoi en mission).
Jésus dit : c’est maintenant !
Le programme de Jésus est énoncé en une parole d’espérance : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile » (v. 15). Cette phrase énonce ce qui est fait et ce qui reste à faire. Le temps a mûri. Le règne de Dieu s’est approché. La manière dont Dieu règne, le « style de vie de Dieu » se donne à voir en Jésus. Ce qui reste à faire, c’est la conversion et la foi1. Maintenant, il s’agit de perdre tout ce qui empêcherait d’accueillir Dieu en personne (les 4 appelés vont quitter métier et parenté). Le recevoir demande une ouverture de tout l’être, ce que Jésus appelle : « croire » (les 4 appelés vont le suivre). Jésus voit, il appelle ; les hommes laissent et le suivent. Et cette annonce est universelle : en 4 termes, par 4 actions, pour 4 appelés…
Par sa Parole qui appelle, il crée une communauté
Placé en tête de la vie publique, ce récit indique d’emblée les conditions dans lesquelles elle se déroulera. Marc ne conçoit pas Jésus seul (sinon dans sa passion). S’il lui arrive de s’isoler dans la prière, les disciples ont vite fait de le ramener parmi eux (1,35-38). Jésus ne commence son ministère qu’après s’être adjoint des disciples « pour être avec lui » (3,14). Nous avons tellement l’habitude de concevoir l’heureuse annonce comme un message de et sur Jésus-Christ que nous avons du mal à la comprendre comme une action qui s’exerce dans le temps. C’est une action divine au cours en cours, qui s’exerce par la parole et qui se manifeste par ses effets dans l’histoire des personnes et des communautés. Même si nous avons l’impression de faire du « sur place », l’appel de Jésus nous met en mouvement, et nous avançons d’une façon qui nous est cachée.
Différentes approches pour vivre ce dynamisme de conversion
La première nous est suggérée par le livre de Jonas. À la parole de Jonas, les habitants de Ninive « se détournent de leur conduite mauvaise » (Jon 3, 10). Faire la vérité, replacer sa vie dans la lumière. Courageusement. Librement.
La seconde approche : suivre Jésus et entrer sans sa mission. Pierre et André, Jacques et Jean « le suivirent… partirent derrière lui ». C’est à cette décision, mais avec des modalités de réalisation multiples (attention à respecter la diversité), que conduit toute vraie conversion, et tout accueil authentique de la vie nouvelle.
La troisième approche est présentée par St Paul aux nouveaux chrétiens du port de Corinthe : « Le temps se fait court, le temps a cargué ses voiles », comme on amène un bateau quand le port est en vue. L’humanité déjà touche au port, puisque le Christ est déjà ressuscité. Nous vivons déjà en lui, et cela transforme notre relation aux autres, aux choses, et à nous-mêmes. Afin de devenir des témoins.
Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes
Ce n’est pas un ordre (devenez), pas plus qu’une obligation (il faut que vous deveniez). C’est une promesse, avec ce que toute promesse comporte de particulier. À un ordre, on obéit. À une obligation on se soumet. Sur une promesse, on se risque dans la confiance. « Pêcheurs d’hommes », cela dessine en germe l’Église voulue par Jésus. Une Église de marins, de voyageurs courageux qui ne craignent pas l’hostilité des milieux qu’ils découvrent, une Église qui part à la pêche des hommes, et qui repêche les hommes… Ce métier singulier est donc caractérisé par (1) le courage, l’audace, (2) une solidarité vitale, constante et obligée, liée à la barque commune ; (3) et surtout la grâce, l’abandon à la volonté divine et à la fécondité donnée seulement par l’Esprit Saint.
Jésus, maître de la mer
Suivre Jésus, c’est entrer dans une condition de risque, parce que tout à fait gratuite. Dans la suite de l’évangile, Jésus ne cesse pas d’inviter les disciples à embarquer pour « l’autre rive ». Bien sûr, il s’agit de cette terre païenne à laquelle la mission du Christ doit s’étendre. Mais il s’agit aussi d’une mentalité, d’un nouvel état d’esprit qu’il cherche à leur donner, à nous donner. Le message de Jésus est un appel à « prendre le large », à opérer des choix fondamentaux qui conduisent à « larguer les amarres », et à vivre dans la nouveauté radicale qu’il représente. Un appel à la liberté du disciple, ce qu’il ne devra jamais oublier lorsque lui-même en appellera d’autres… Tous les appelés doivent adopter la mobilité de celui qui les entraîne à sa suite : Jésus.
Sa justice dirige les humbles, il enseigne aux humbles son chemin (Ps 24,9)
1 Voir le commentaire de Michel Quesnel dans « Enfin une bonne Nouvelle » sur RCF.