Avec Sylvie Kauffmann, ancienne directrice de la rédaction du Monde et ancienne correspondante à Moscou. Les Aveuglés – comment Berlin et Paris ont laissé la voie libre à la Russie (Stock).
Les récentes frappes russes contre des grandes villes ukrainiennes visent, selon les experts, à épuiser la population et les défenses de l’Ukraine, qui réclame plus d’armes à ses alliés occidentaux. Une réunion Otan/Ukraine se tient demain à Bruxelles, à la demande de Kiev. Installée dans ce conflit depuis bientôt deux ans, la Russie se dit que le temps joue en sa faveur. Vladimir Poutine, de son côté, sera candidat à sa succession en mars. La France et l’Allemagne, pendant vingt ans, se sont bercées d’illusions à propos de la Russie, en ignorant les signaux et les mises en garde, ce que Sylvie Kauffmann qualifie d’aveuglement.
La fin de la guerre froide devait ouvrir une ère nouvelle, marquée par le triomphe de la démocratie libérale qui ne pouvait désormais que s’étendre. Aucun pays n’en a été plus convaincu que l’Allemagne réunifiée.
Trois décennies plus tard, à l’est, la Russie de Vladimir Poutine est devenue de plus en plus agressive. En Europe centrale, les jeunes démocraties sont tombées dans le piège du populisme. Et tandis qu’à l’ouest, la France tentait en vain de surmonter les failles d’un modèle politique dépassé, plus à l’ouest encore Donald Trump malmenait la démocratie américaine et menaçait l’ordre international. Mais comme les trois singes, la chancelière et ses partenaires de coalition sociaux-démocrates fermaient les yeux, les oreilles et la bouche. Jusqu’au 24 février 2022.
Ce jour-là, leur monde s’est écroulé. Poutine a envahi l’Ukraine et pulvérisé l’ordre européen. Puis est venu le temps des questions : pourquoi nous sommes-nous si lourdement trompés ? Quels signaux avons-nous ignorés ?
Ce livre raconte, à travers les témoignages des protagonistes des épisodes clés de ces vingt années, ce qui nous a empêchés d’assumer la réalité de la Russie de Poutine : le repli américain, l’aveuglement de l’Allemagne, prisonnière de son histoire, de sa réussite économique, le mépris pour les nouvelles démocraties de l’est, la russophilie obsolète de certaines élites françaises, la mauvaise stratégie du cavalier seul de Sarkozy et Macron et leur rêve irréaliste d’une grande architecture de sécurité européenne avec Moscou.
À quel moment aurions-nous dû prendre une autre voie ? Et d’ailleurs, y avait-il une autre voie ? L’Europe sortira-t-elle affaiblie ou renforcée de cette guerre qui lui a ouvert les yeux ?