Tout était allé si vite… C’est un matin de novembre, un matin comme tous les autres. Je me dépêche de préparer le petit-déjeuner. Le lait chauffe. Dan et Émilien jouent avec une petite navette spatiale. Ils ont la fâcheuse idée d’ouvrir la porte du four de la gazinière pour s’asseoir dessus. En cinq secondes, la cuisinière penche et le lait bouillant se renverse : Émilien le reçoit sur le dos. Jean-Louis réagit très vite et de façon très appropriée. Il emmène Émilien dans notre chambre, épargnant aux enfants et à moi-même la vue des brûlures. Il appelle le SAMU qui le prend en charge immédiatement. Émilien est tout de suite anesthésié et soigné, puis conduit à l’hôpital dans les plus brefs délais. Notre petit garçon est brûlé sur 30 % de la surface corporelle : les brûlures atteignent le deuxième degré superficiel et, par endroits, le deuxième degré profond. Dieu me donne la force physique et morale pour affronter la situation. La famille d’Alsace prend en charge Angeli et Dan. je suis certaine qu’ils seront bien entourés là-bas par leurs oncles et tantes et par leurs grands-parents bien sûr. Je sais qu’ils sauront décharger Dan de toute pensée culpabilisante qui chargerait trop son cœur de grand frère de quatre ans…
Je dis merci à la famille d’Alsace. MA famille. Aussi souvent que nous avons été éprouvés. ils nous ont aidés, accueillis. Ils ont souvent caché leurs larmes, papi surtout, je le sais… Leur soutien ne nous a jamais manqué.
Au début de l’hospitalisation, Émilien est en chambre d’isolement, je ne peux le voir qu’au travers d’une vitre. Ses mains sont attachées et je me sens totalement impuissante. J’ai alors l’idée de lui confectionner des marionnettes chaussettes pour ses pieds ; cela le fait sourire quand il les voit s’agiter. Les infirmières me déconseillent de venir le voir, prétextant que les enfants en isolement pleurent en voyant leur maman au travers d’une vitre sans qu’elle puisse les prendre dans ses bras. Il n’y a même pas d’interphone pour communiquer avec l’enfant. De façon surprenante, quand j’arrive, Émilien tourne la tête vers moi, me regarde calmement et même sourit. Quand je pars, je lui dis au revoir et il s’endort paisiblement. Il n’a jamais pleuré ni crié. Les infirmières ont pu le constater et elles se sont étonnées : « D’habitude, ça ne se passe jamais comme ça ! » Il faut dire que nous avions demandé à Dieu de placer des anges auprès de notre enfant pour le rassurer et le consoler, et nous croyons qu’il l’a fait.
Un autre petit garçon brûlé partage la chambre d’isolement avec notre fils. Ce petit garçon supporte mal l’isolement et a tendance à se replier sur lui-même. J’apprends par une infirmière que ses parents ont fait appel à une guérisseuse, charmeuse de feu, pour leur enfant. Elle doit venir dans le service. L’infirmière me demande si je désire qu’elle fasse quelque chose pour Émilien. Je refuse et proteste vivement. Je sais que la Bible interdit formellement ces pratiques. Il faut être vigilant, car, en temps d’épreuve, nous sommes tentés de nous laisser aller à faire n’importe quoi sous l’effet de la panique et du chagrin. Il m’a été possible d’expliquer aux parents du petit voisin de chambre d’Émilien les dangers de ces pratiques magiques en m’appuyant sur la Bible.
Voilà ce que dit à ce sujet le livre du Deutéronome : « Lorsque tu seras entré dans le pays que l’éternel ton Dieu te donne, tu n’apprendras pas à imiter les abominations de ces nations-là : qu’on ne trouve personne chez toi qui fasse passer son fils ou sa fille par le feu, personne qui n’exerce le métier de devin, d’astrologue, d’augure, de magicien, d’enchanteur, personne qui consulte ceux qui évoquent les esprits, disent la bonne aventure, personne qui interroge les morts. Car quiconque fait ces choses est en abomination à l’Éternel. » (Dt 18, 10-12 version Segond.) Il faut noter que la Bible de Jérusalem utilise l’expression : « personne qui n’use de charme » pour traduire le mot enchanteur. Les parents de ce petit garçon m’ont écoutée et ont manifesté le vif désir de rechercher Dieu et son secours et leur fils a pu quitter rapidement l’hôpital.
Je suis auprès d’Émilien, toujours avec vitre interposée. Le service de chirurgie infantile est ancien, je dois me tenir debout dans le couloir. Enceinte de cinq mois je suis bien fatiguée.
Virginie GUTKNECHT, L’épreuve en famille, des chips sans sel, Éditions Oasis, 2011, p. 28-29. ISBN : 978-2-918629-21-4