Au commencement était le Verbe

Noël C, jour — (Jn 1, 1-5. 9-14)

Marc nous présente la vie et le ministère public de Jésus. Matthieu et Luc ont ajouté les évangiles de l’enfance, deux chapitres placés en tête de leur évangile. Jean va encore plus loin : il affirme la préexistence de Jésus en amont de sa vie terrestre, avant les jours de sa chair. Si Jésus est Dieu, il ne peut être qu’éternel. Il faut donc qu’il « soit » depuis toujours, avant la création du monde, ce qu’affirme le prologue. Comme si Jean regardait l’origine de Jésus à travers un puissant télescope. C’est cela aussi vivre le mystère de Noël : accueillir la méditation hymnique de Jean, le porche se son évangile

La préexistence du Verbe créateur

Cette idée de l’origine mystérieuse et éternelle de Jésus, nous la proclamons dans le symbole de Nicée-Constantinople : « Né du père avant tous les siècles : il est Dieu, né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré, non pas créé, consubstantiel au Père, et par lui tout a été fait ».

Elle est annoncée dès les premiers mots du prologue : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était tourné vers Dieu et le Verbe était Dieu. » (Jn 1, 1). Non seulement le Prologue affirme que « le Verbe était auprès de Dieu, ou tourné vers Dieu », mais il ajoute : « et le Verbe était Dieu » ! Le Logos n’est donc pas créé, à la différence de la « Sagesse » qui, dans le Livre du Siracide, a été « créée dès le commencement ».

« Tout (le créé) fut par lui (le Verbe) et rien de ce qui fut ne fut sans lui » (Jn 1, 3). Le Verbe du prologue est cette personne divine, en communion avec Dieu mais distincte de lui, existant de toute éternité et par laquelle s’est opéré l’acte de la création. Dieu crée par sa Parole, et sa Parole est efficace, elle crée ce qu’elle dit, elle suscite immédiatement ce qu’elle signifie.

Il est venu dans son bien, et les siens ne L’ont pas reçu

Nous connaissons la pédagogie divine, déployée depuis Abraham au cœur de l’histoire humaine. Dans ce monde, Dieu se choisit un peuple (« son bien propre »), qu’il appelle à faire alliance. Des prophètes ont été envoyés, mais qui ont fait l’expérience de rejets … Isaïe, Jérémie, Ezéchiel, pour ne citer que les plus connus, ont reçu une vocation qui, d’emblée, s’inscrit dans un climat de refus de la Parole1. Ce que ces prophètes, et d’autres, annonçaient, c’était la Venue du Seigneur lui-même : « Voici que j’envoie mon messager pour qu’il prépare le chemin devant moi ; et soudain viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez » (Ml 3, 1).

Il est clair qu’en Jésus, les prophéties se réalisent d’une manière tellement concrète qu’elle en est déroutante pour les gardiens officiels de la Révélation. C’est le refus (sur lequel Jésus se lamente, Mt 23, 37-39 et Lc 19, 41-44), qui le mènera à la crucifixion. « Le Verbe s’est fait chair, et il a dressé sa tente parmi nous » (1,14). « Il est venu chez lui (dans ses biens propres), et les siens ne l’ont pas reçu » (1,11).

Écouter l’homélie

Tous ceux qui L’ont reçu, Il leur a donné capacité d’advenir enfants de Dieu

Ce qui importe maintenant, c’est l’accueil de l’Envoyé, du fils, du Verbe éternel. Accueillir ses paroles comme des paroles de Vie (Jn 6,68), y rester fidèle, les mettre en pratique (Mt 7, 21-24), c’est-à-dire dans le langage johannique, « faire la vérité » (Jn 3, 20-21 ; 1 Jn 3,18). « Celui qui fait la vérité vient à la Lumière ».

Car nous avons capacité, pouvoir (en grec exousia, qu’on peut traduire pouvoir, possibilité, liberté, permission, autorité)… d’advenir enfants de Dieu. Rappelons-nous dans la première lettre : « Voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu… Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté… » (1 Jn 3,1- 2).

Exousia indique donc la mise en œuvre d’un « pouvoir », d’une « puissance » reçue de quelqu’un de plus grand. Ici, dans le Prologue, ce mot semble indiquer que « devenir enfants de Dieu » n’est pas automatique, mais qu’il revient à chacun de mettre en œuvre la « capacité » reçue…

La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme c’est la contemplation de Dieu2


1Lire Is 6, 9-10; Jr 1, 14.16-19; Ez 2, 3-5.

2St Irénée, deuxième évêque de Lyon entre 177 et 202, Traité Contre les hérésies, livre IV.