Des noces pour les appelés, les bons et les mauvais

28° D. TO A. Matthieu nous offre successivement en crescendo quatre paraboles (en voici la troisième : les invités au festin des noces, et son bonus — propre à Mt- : l’homme sans vêtement de noces) ; puis quatre controverses (nous en lirons deux les dimanches suivants). Cette parabole met en scène le drame auquel Dieu est confronté. Il désire intensément qu’une multitude de personnes puissent bénéficier des réjouissances de son Royaume. Toutefois, tout au long de l’histoire du peuple de l’Alliance, il s’est buté à leur refus. C’est pour cela, dit Jésus, que Dieu a décidé d’ouvrir son Royaume à tous, quelle que soit leur nation. Il nous prévient toutefois que l’honneur d’être comptés au nombre des invités s’accompagne de la responsabilité de nous préparer.

Appeler encore les appelés

Le souverain — le Père — se préoccupe de convier des invités aux noces de son fils — Jésus —. Malheureusement, au moment où le début de la noce est imminent, les conviés déclinent l’invitation. Ceci constitue un véritable affront. Ce refus n’est pas sans rappeler, dans la parabole précédente, le type d’accueil reçu par les prophètes tout au long de l’histoire d’Israël : un refus obstiné. En recourant à l’image de l’invitation à des noces, Jésus fait ressortir la bonté et la générosité d’un Dieu qui désire partager une fête éternelle.

Chez Mt, on trouve une grande insistance sur l’appel. En traduisant le v. 3 mot à mot du grec : « Il envoya ses serviteurs appeler les appelés vers les noces », le mot invités est en fait appelés (si bien qu’en traduisant ainsi les v. 3.4.8.9, on remarque bien l’insistance, avec la conclusion à la fin, au v. 14 : « beaucoup sont appelés ».

Au verset 5, la parabole en arrive à un tournant tragique : « Mais eux, ne s’en étant pas souciés, partirent l’un à son propre champ l’autre à son commerce. » Plutôt que de se rendre à une fête magnifique, les invités retournent à la banalité de leur quotidien. On leur a offert la possibilité de prendre part à un mariage royal et ils y sont demeurés indifférents ; ou ils l’ont violemment refusé : d’autres « les maltraitèrent et les tuèrent » (v. 6).

Écouter l’homélie

Appeler les mauvais comme les bons

La parabole se poursuit en rapportant les réactions du roi aux offenses subies : « Le roi fut en colère et, ayant envoyé ses troupes, il fit périr ces meurtriers-là, et leur ville, il l’incendia » (v. 7). Les événements de ces derniers jours avec l’attentat du Hamas contre Israël nous rappellent ce décor… En l’an 70, les armées romaines incendièrent et détruirent le temple de Jérusalem ainsi que toute une partie de la Ville sainte. Ce n’est pas faire de l’antisémitisme que de rappeler que Jésus l’avait annoncé et ajouté : « parce que tu n’as pas reconnu le moment où Dieu te visitait » (Lc 19, 44 ; cf. Mt 23, 38 et Lc 13, 35).

« Allez donc aux carrefours des chemins et tous ceux que vous pourriez y trouver, invitez-les aux noces » (v. 9)1. Puisque ceux qu’il avait choisis ont refusé l’appel, le roi décide d’étendre son invitation à tous, sans aucune exception. Cette extension correspond à ce qui s’est passé dans la jeune Église. Puisque les missionnaires ont expérimenté refus et persécutions de la part des Juifs, ils se sont tournés vers ceux que l’on appelait les païens, c’est-à-dire les personnes d’autres nations et d’autres religions.

Revêtir le vêtement de noces

Bonus, le roi entre dans la salle des noces « pour observer (theaomai) les convives » (v. 11). Theaomai se traduit par « contempler, considérer, examiner », et induit l’idée du tri lors du jugement dernier. Aucune personne ne doit être empêchée de cheminer en Église, qu’elle soit sainte ou pécheresse (« les mauvais comme les bons », v. 10). Toutefois, une étape de sélection aura lieu lors du jugement dernier. C’est alors qu’une séparation sera opérée et que certaines seront exclues de la participation au Royaume des cieux. Le « vêtement de noce » symbolise le cheminement de conversion pour devenir un authentique disciple du Christ. Ce personnage mal habillé représente les baptisés qui n’ont pas pris leur condition de disciples au sérieux. Son silence (v. 12) évoque la situation de chrétiens qui n’ont développé aucune intimité avec le Seigneur au cours de leur vie. Au jour du jugement, la personne ne pourra plus rien faire pour compenser son absence de cheminement, (cf. la grande fresque du Jugement des Nations, Mt 25).

Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus.

Le nombre des appelés ne correspond pas à celui des élus. Entendons que le nombre des membres de l’Église est grand, mais la quantité des participants à la fête éternelle sera beaucoup moindre. L’Église et le Royaume des cieux ne sont pas à confondre.

1La finale de l’évangile reflète d’ailleurs cette interprétation, avec la nuance que l’ordre d’extension provient du Christ ressuscité : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé » (Mt 28, 19-20).