Es-tu celui qui doit venir ?

Les doutes de Jean le baptiste

La question que Jean pose à Jésus devrait nous surprendre : Es-tu celui qu’on attend, ou faut-il en attendre un autre ? Qu’est-il arrivé pour que maintenant il ne sache plus quoi penser de Jésus ? Ou plutôt, qu’est-ce qui n’est PAS arrivé ? Car Jean proclame vigoureusement un baptême de conversion en annonçant la hache prête à couper l’arbre sans fruit, la séparation du bon grain et de la paille à brûler (3,7-12), des images bibliques évoquent le Jugement de Dieu. Et ce que Jean entend dire à propos de Jésus ne correspond pas à son attente. Jésus invite à ne pas arracher la mauvaise herbe ; ce sera à Dieu de séparer l’ivraie du bon grain (Mt 13,24-30). Au lieu d’accomplir le jugement attendu, Jésus annonce l’amour et le pardon de Dieu. Certes, il appelle à la conversion, mais avec patience et amour, dans la joie de l’Alliance, plutôt que dans la crainte et la colère. D’où le doute et la question de Jean : Jésus est-il Celui qui vient ? Ou faut-il en attendre un autre ?

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Une conversion : s’ouvrir à Dieu toujours plus grand

Jésus nous prévient : « Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! » Autrement dit : Dieu est toujours au-delà de ce que nous en percevons, ou de ce que nous pensons savoir de lui. Il nous déroute toujours, car il est toujours « au-delà »… C’est un thème central de l’œuvre d’une théologienne allemande, Adrienne von Speyr, qui écrit, et cela s’applique bien à Jean-Baptiste :

« Celui qui est ouvert à Dieu ne peut s’étonner de rien. Celui qui s’étonne montre qu’il est occupé de lui-même plus que de Dieu. Celui qui vit en Dieu, celui-là sait si fort que Dieu dépasse toujours toutes choses et surpasse toute attente, que toute comparaison avec ce qui a déjà été lui est enlevée. S’étonner, c’est commencer à douter, à ne pas croire, parce que c’est commencer à vouloir avoir raison ».

Mais cela doit s’appliquer à nous aussi dans notre cheminement spirituel : je ne m’attache à rien car Dieu est toujours au-delà. Cela doit nous réjouir car tout reste encore à découvrir.

Accueillir le cœur de la révélation : la miséricorde divine

La réponse de Jésus est indirecte : une liste d’actes bienfaisants tirés de textes d’Isaïe qui annoncent tous la venue du Messie ou du salut de Dieu (Isaïe 26,19 ; 29,18 ; 35,5-6 ; 61,1). Pour qui connaît les Écritures, Jésus s’identifie donc bien à Celui que l’on attend. Mais il le fait en soulignant plutôt le salut et le don divins : quand Dieu vient, on est guéri, accueilli, relevé, etc. Aucune trace de jugement dans cette venue ! Les signes sont donnés pour nourrir l’espérance et la confiance en Dieu, et non pour entretenir la crainte. La liste est clôturée par la Bonne Nouvelle de Dieu annoncée aux pauvres, à ces petites gens qui peuvent perdre espoir. Ce ton est très différent de celui de Jean.

Nous laisser transformer pour produire des signes de miséricorde

Quels signes ? Des actes et des attitudes qui disent aux pauvres, aux petits et aux gens qui combattent pour la justice que le Règne de Dieu est pour eux (5,3.10 ; 18,3-4 ; 19,14). Il est même pour ceux-là qui agissent ainsi sans référence à l’Évangile, ceux et celles qui viennent d’ailleurs et qui demandent quand donc ils ont nourri, vêtu et hébergé le Fils de l’Homme (Mt 8,11 ; 25,31-40). Car « le plus petit dans le Règne de Dieu est plus grand que lui », Jean-Baptiste. Chaque plus petit est plus grand que Jean, en accueillant ce visage de Dieu révélé en Jésus. Au fond, c’est peut-être cela, passer au Nouveau Testament en s’appuyant sur l’Ancien… En acceptant avec patience le facteur temps. Une personne me disait avec sagesse : « le temps, l’autre nom de Dieu ». Laissons le temps nous mûrir, laissons Dieu nous dépouiller pour entrer tout petits dans son Royaume toujours plus grand…