Un article du Journal La Croix, Clémence Houdaille
Analyse. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur chargé des cultes, a la réputation d’être catholique pratiquant, même s’il ne s’épanche pas sur sa foi personnelle. Les sujets liés aux faits religieux sont toutefois souvent apparus dans ses discours et prises de position au long de sa carrière politique.
► Chrétiens d’Orient
Bruno Retailleau a souvent pris la parole pour attirer l’attention sur la situation des chrétiens du Proche- et Moyen-Orient. En 2010, après l’attentat ayant visé la cathédrale de Bagdad, il signait une tribune au côté de 60 autres parlementaires demandant au ministre des affaires étrangères d’intervenir auprès des autorités des pays du Moyen-Orient concernés, « pour leur demander de prendre des mesures de sécurité toutes particulières autour des lieux fréquentés par les chrétiens pendant la période de Noël, afin que ce jour de fête ne devienne pas un nouveau jour de deuil ».
Le 6 décembre 2016, c’est en tant que président du groupe de liaison, de réflexion, de vigilance et de solidarité avec les chrétiens d’Orient du Sénat que le sénateur Retailleau a présenté une proposition de résolution demandant la reconnaissance des « crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre perpétrés contre les minorités ethniques et religieuses et les populations civiles en Syrie et en Irak » par Daesh. Des exactions qu’il est allé constater sur place début 2018. « Ils ont saccagé les églises avec une méticulosité terrible. Ils ne se sont pas contentés de les brûler, ils en ont détruit les images au burin, parfois taillées depuis des siècles dans la pierre. Leur objectif était clair : anéantir les personnes autant que leur culture », détaillait-il au Figaro après un séjour en Irak dans la plaine de Ninive, à la rencontre des chrétiens rescapés de l’État islamique.
En février 2023, avec sa collègue sénatrice Valérie Boyer, Bruno Retailleau dépose une proposition de résolution pour que la France reconnaisse le génocide assyro-chaldéen. Elle a été votée au Sénat mercredi 8 février 2023. Entre 1915 et 1918, environ 250 000 syriaques ont été exterminés par l’Empire ottoman, en même temps que les Arméniens.
► Racines chrétiennes de la France
En décembre 2014, président du conseil général de Vendée, Bruno Retailleau s’oppose, au nom de « nos racines culturelles et de nos traditions populaires », à la décision du tribunal administratif de Nantes d’interdire la présence d’une crèche de Noël dans le hall du bâtiment du conseil général. « Je rappelle à tous les ayatollahs du laïcisme que la laïcité, c’est la mise à distance de l’espace public du fait religieux. Pas du fait culturel», explicite-t-il dans une tribune publiée par Le Figaro le 4 décembre. Pour Bruno Retailleau, « le symbole de la crèche dépasse le symbole religieux. Elle fait partie d’un patrimoine commun qui nous rassemble, bien au-delà des convictions des uns et des autres. Les racines chrétiennes de la France ne sont pas un postulat de la foi. Elles sont un constat de la réalité. Réalité culturelle, tant nos artistes et nos artisans ont puisé leur inspiration dans l’univers de Noël. » La cour administrative d’appel de Nantes annule finalement ce jugement en 2015, ce que Bruno Retailleau considère « une victoire juridique et politique. »
En 2019, la perturbation d’une crèche vivante à Toulouse par des manifestants « anticapitalistes » suscite, parmi de nombreuses réactions politiques, celle de Bruno Retailleau, alors président du groupe LR au Sénat. Il voit dans cet événement « le stade ultime de la bêtise » et « l’alliance de l’ignorance et du sectarisme ».
► Laïcité
En janvier 2017, alors que Manuel Valls s’inquiète de la candidature de François Fillon, déclarant que « pour la première fois, un candidat définit son projet comme catholique », Bruno Retailleau, soutien du candidat LR réplique à l’antenne de France Inter : « C’est terrible cette espèce de laïcisme vécu comme un combat contre la religion. » « Ce n’est quand même pas une tare de se déclarer chrétien, ajoute encore le sénateur vendéen. Se dire chrétien, à un moment ou à un autre, ce n’est pas blesser le principe de la laïcité. Le principe de laïcité, c’est la neutralité de l’État, faire en sorte que l’on puisse croire ou ne pas croire, que les religions puissent coexister, voilà c’est tout. »
En 2018, alors que certains s’élevaient en France contre le fait qu’Emmanuel Macron se rende à Rome pour recevoir le titre de chanoine d’honneur de la basilique du Latran, Bruno Retailleau réagissait dans La Croix, précisant sa conception de la laïcité : « On fait encore en France, malheureusement, une double confusion entre laïcité et laïcisme d’une part, entre cultuel et culturel d’autre part. Autant le cultuel est limité par la loi de 1905, autant le culturel peut s’accommoder des marques historiques et patrimoniales du christianisme. Quand un président de la République se rend à Rome pour recevoir le titre de chanoine du Latran, c’est culturel et politique à la fois. »
► Islam radical et séparatisme
En 2019, le président du groupe LR au Sénat Bruno Retailleau dépose une proposition de loi visant à empêcher les listes communautaires aux élections. En avril 2021, alors qu’est examiné au Sénat le projet de loi sur le séparatisme, il fait adopter un amendement de la même veine interdisant « de tenir dans les lieux publics (…) des propos contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité ayant pour objet de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse ». « Le Sénat a largement réécrit la loi “séparatismes“ pour lui donner de la force et cibler l’islam radical », assume alors Bruno Retailleau dans un tweet.