(Assomption B) Nous fêtons Marie au cœur de l’été, célébrant la grâce de son Assomption. Puisque nous méditons au long de ces dimanches d’août le chapitre 6 de Jean sur le Pain de Vie, saisissons l’occasion de rappeler comment le Sacrement de l’Eucharistie est relié au mystère de l’Incarnation, et donc à la Vierge Marie. Nous allons le faire en mettant en valeur quelques citations d’auteurs spirituels. (image : Vierge en ivoire, XIV°s, Musée Pierre de Luxembourg, Villeneuve les Avignon).
C’est le même Corps que nous recevons au saint autel
Saint Bernard de Clairvaux (+ 1153) se fait interprète de la reconnaissance des fidèles qui reçoivent l’Eucharistie : « Ici, je vous prie de considérer combien nous sommes redevables envers la Mère de Jésus et que de remerciements nous lui devons, après Dieu. Ce Corps du Christ que la bienheureuse Vierge a engendré dans son sein avec amour, emmailloté de langes, nourri avec la sollicitude maternelle, c’est le même sans aucun doute et non pas un autre que nous recevons au Saint Autel et nous recevons son Sang dans le sacrement de notre rédemption1. »
Salut, vrai Corps né de la Vierge Marie
La célèbre antienne grégorienne : « Salut, vrai Corps né de la Vierge Marie » indique ce rapport essentiel de la Mère de Jésus avec l’Eucharistie. Sans aucun doute, la référence à Marie est-elle garante de la foi juste en la présence réelle de Jésus dans l’eucharistie, et ceux qui ont une forte piété mariale en font l’expérience. Marie nous rappelle que le Verbe incarné dans son sein et le Pain de Vie offert en nourriture aux fidèles sont une seule et même réalité. Elle remplit la fonction précieuse de relier le sacrement de l’Eucharistie au Mystère de l’Incarnation, opérant l’identification entre le Christ glorieux et le Christ historique.
Car la chair de Jésus est la chair de Marie
Cette expression : « car la chair de Jésus est la chair de Marie », se trouve formulée dans le sermon sur l’Assomption de Marie du Pseudo-Augustin, un auteur ignoré, que certains identifient avec Ambroise Autpert2. Le contexte concerne l’Assomption de Marie, plus précisément le caractère incorruptible de son corps. L’auteur pense que si Jésus a conservé intègre la virginité de sa Mère, il a pu aussi la préserver de la décomposition. La chair du Christ « bien que magnifiée par la gloire de la Résurrection, et glorifiée par la puissante Ascension au-dessus de tous les cieux, est restée et demeure encore de la même nature que celle de Marie dans son Assomption ». Il ne s’agit pas ici du Corps eucharistique du Seigneur mais de l’identité entre le Corps glorifié du Christ et le Corps terrestre que lui a offert Marie.
C’est le Corps engendré par Marie qu’il tenait en la main
Et pourtant, le passage de ce Corps à l’Eucharistie est déjà présent en saint Irénée (II° s.) lorsqu’il écrit : « Qui ne comprend pas que Dieu naît de Marie, ne peut comprendre l’Eucharistie3. » Honorius d’Autun (+ 1156)4, à propos des paroles de Jésus à la dernière Cène, affirme : « voici : c’est le Corps engendré par Marie qu’il tenait en la main ». Mais il précise que dans l’Eucharistie on a la substance du Corps du Christ tandis que « le Corps né de la Vierge réside au Ciel ».
À partir du V° siècle en Orient, le rapport entre Jésus Eucharistie et la Vierge Marie s’exprime en une variété de symboles : Marie est la motte de terre d’où germe « l’épi eucharistique », le ferment dans la masse humaine qui dans le Christ et par le Christ devient pain. Elle est la maison du pain, Bethléem, donatrice du pain ; elle est le « laboratoire » « où s’accomplit l’Incarnation, dans lequel l’Esprit a construit le Corps du Christ » ; elle nourrit les croyants avec Eucharistie comme l’Église. Terminons par une citation du Concile Vatican II :
Tandis qu’elle est prêchée et honorée,
elle appelle les croyants à son Fils, à son sacrifice, et à l’amour du Père5
1Saint Bernard, Sermon 2 de la Nativité du Seigneur.
2Religieux bénédictin mort en 784. « Autpert est considéré comme le premier grand théologien marial d’Occident et écrit avec un amour presque mystique pour la Sainte Vierge » (Benoît XVI).
3Contre les hérétiques 5,2, 3.
4Honorius d’Autun au xiie siècle, fut un théologien vulgarisateur de génie. On lui doit un traité de l’Eucharistie.
5Concile Vatican II, Lumen Gentium n’° 65.