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Berceau du christianisme, l’Orient est un formidable réservoir de l’art chrétien. De l’Irak au sud-est de la Turquie, en passant par l’Égypte, l’Israël et la Palestine, des milliers d’œuvres vieilles de plusieurs siècles ornent les églises, les monastères et les collections privées. Raphaëlle Ziadé, auteure de « L’art des chrétiens d’Orient – De l’Euphrate au Nil » (éd. Citadelles & Mazenod) nous présente ces trésors.
Église copte du monastère d’Anaphora, Égypte, le 18/01/2021 ©Nathalie Guironnet / Hans Lucas
19 siècles nous séparent des plus vieilles traces d’art chrétien au monde. Elles se trouvent à Doura Europos, à l’extrême-est de la Syrie. Là-bas, une synagogue et une maison d’église ont été retrouvées. Datés autour de l’an 250, ces deux bâtiments présentent des fresques remarquables qui racontent respectivement l’Ancien Testament et les miracles de la vie de Jésus. La Syrie regorge de centaines de ces vestiges d’églises des Ve, VIe ou VIIe siècles encore visibles. Malheureusement, « c’est une zone menacée par les différentes fractions armées qui s’y battent et il y a beaucoup de trafic d’art et d’œuvres volées », déplore Raphaëlle Ziadé, professeure à l’École du Louvre et à l’Institut catholique de Paris (ICP) et conservatrice des collections byzantines du Petit Palais à Paris.
Au travers des siècles, les pèlerinages sur les lieux de vie des premiers chrétiens et des martyrs, ont contribué au développement de l’art chrétien. Jérusalem en est un exemple probant. C’est d’ailleurs l’empereur Constantin (celui qui a proclamé le christianisme comme religion de l’empire romain) qui a « inventé » ces lieux saints en ordonnant en 325 la tenue de fouilles pour mettre au jour les sites de la Passion et de la Résurrection du Christ, afin d’y construire des lieux de pèlerinage. Dès lors, Jérusalem est devenu un « centre artistique à dimension régionale et internationale », décrit Raphaëlle Ziadé. D’autant plus depuis le XIXe siècle, puisque des icônes et des objets souvenirs ont contribué à déployer l’art des chrétiens d’Orient par-delà les frontières.
Des vestiges à préserver à tout prix
Des trésors artistiques il y en a aussi dans les nombreux monastères d’Orient. L’un des plus vieux se trouve au pied du mont Sinaï en Égypte : le monastère orthodoxe Sainte-Catherine. « Ce lieu est un véritable musée, un conservatoire de tout l’art produit dans cette région à l’époque », se réjouit la conservatrice. On peut d’ailleurs y voir une « très belle mosaïque de la Transfiguration », précise-t-elle. D’autres monastères conservent également les premières œuvres coptes datant du Ve siècle. Entre ces murs, l’art n’a connu aucune interruption et de nouvelles peintures ou boiseries sont venus compléter les premières œuvres. Car contrairement aux idées reçues, l’arrivée de l’Islam dans ces pays n’a pas mis un point d’arrêt à l’art chrétien. « Il est certain que les communautés chrétiennes ont changé de statut, qu’elles se sont progressivement arabisées par la langue, mais l’activité artistique a continué », assure Raphaëlle Ziadé. Et d’ajouter : « Cette période du VIIIe siècle a même produit énormément de chefs-d’œuvre ! »
« On n’a pas encore fait entièrement le tour de ces décors », s’exclame la spécialiste du christianisme oriental. Des fouilles sont encore menées dans les montagnes du Liban pour mettre au jour des décors médiévaux. De même qu’il est enrichissant de découvrir ces vestiges, il faut préserver ceux déjà connus et situés dans des régions où l’instabilité politique est forte et où l’exode des communautés chrétiennes est récurrent. « Aujourd’hui, l’enjeu c’est de protéger ce qui est encore sur place en termes de patrimoine », insiste la conservatrice.