Lazare, ici ! Sors !

RIEN N’EST EN DEHORS DE L’AMOUR DIVIN

Celui que tu aimes est malade — Jn 11, 1-5 — C’est par cette prière toute simple, pleine de confiance, que Marthe et Marie préviennent Jésus de l’état grave de son ami Lazare, leur frère. « Cette maladie ne mène pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu » (v. 4). La réponse de Jésus s’apparente à ce qu’il avait déjà dit de l’aveugle-né (9, 3). Il tient à ce que l’on sache ceci : Dieu n’est pour rien dans le mal ; au contraire, il ne cesse de tirer le bien du mal. « Or Jésus aimait Marthe et sa sœur et Lazare » (v. 5). Là encore, Jean tient à ce que l’on ait la certitude de l’amour de Jésus pour ses trois amis. Tout ce que nous allons lire se produit à l’intérieur de l’amour de Dieu.

Tergiversations divines ? — Jn 11, 6-16 — « Il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait » (v. 6). Dans nos prières de demande, Dieu nous éprouve par le temps, en nous faisant attendre. Il peut arriver que notre foi s’affaisse ; mais souvent, dans l’attente, notre espérance va grandir et dilater notre cœur pour recevoir plus. « Notre ami Lazare repose, mais je vais aller le réveiller » (v. 11). Jésus parle de la mort de Lazare en termes de sommeil, et du signe qu’il va accomplir, en termes de réveil. Le retour de Lazare à la vie n’est pas une résurrection. Jésus va simplement donner un signe de la résurrection à venir. « Lazare est mort, et je me réjouis pour vous de n’avoir pas été là-bas, afin que vous croyiez » (v. 14-15). Dieu laisse s’accomplir un mal et va en tirer un plus grand bien… : « afin que vous croyiez », « afin que le Fils de Dieu soit glorifié » (v. 4). Choc entre la joie et la douleur…

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MOI, JE SUIS LA RÉSURRECTION

Jésus à Béthanie — Jn 11, 17-19 — « Jésus trouva Lazare dans le tombeau depuis quatre jours déjà » (v. 17). La mort de Lazare n’est pas une mort différente. Et le geste que Jésus va poser s’adresse aussi à tous les hommes ; Jésus est venu pour nous extraire de la mort. Marthe va à sa rencontre, comme si elle l’attendait encore, tandis que Marie reste à la maison, effondrée…

Avec Marthe, réflexions sur la mort et la résurrection — Jn 11, 20-24 — « Marthe dit à Jésus : … maintenant encore, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera » (vv. 21-22). Marthe reproche à Jésus son absence, mais elle manifeste une foi vive, qui attend l’impossible. Avec Jésus tout est possible. Lazare est son ami… « Jésus lui dit : ton frère ressuscitera » (v. 23). Par cette parole, Jésus ne désigne pas le réveil qu’il va accomplir. Il parle de la résurrection de tous les morts, à la fin des temps, de la « résurrection de la chair ». Pour Marthe, cela semble acquis : elle sait… Et sans doute attend-elle autre chose. « Jésus lui dit : Je suis la résurrection et la vie » (v. 25). Jésus demande à Marthe, avant tous les autres, de se tourner vers lui, car il peut tout. Cette fois-ci, il parle au présent. Il est la Vie, il est la Résurrection, il est Dieu fait homme.

Le crois-tu ? — Jn 11, 25-27 — « Qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Le crois-tu ? » (v. 25-26). Jésus pousse Marthe à un acte de foi plus précis encore que précédemment. Car c’est la foi en lui qui permet d’accueillir cette Vie et cette Résurrection. Pour Jésus, la mort physique n’est pas une vraie mort, car la mort, c’est la séparation éternelle de Dieu. C’est par la foi en lui qu’on y échappe, et c’est le cœur de sa mission de salut. « Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu qui vient dans le monde » (v. 27). L’acte de foi de Marthe est clair et sans faille. Elle reconnaît Jésus comme Messie et comme Dieu. Elle passe du je sais au je crois.

Avec Marie, le choc des émotions — Jn 11, 28-32 — L’amertume et la déception de Marie sont à la mesure de l’amitié qu’elle portait à Jésus. Marie pleure… les Juifs qui l’accompagnent pleurent… D’ailleurs, ils pensaient qu’elle se rendait au tombeau pour pleurer… Marie est fermée sur sa souffrance. « Lorsqu’il la vit pleurer…Jésus fut irrité intérieurement et s’indigna » (v. 33). Cette traduction peut se justifier (cf. PEB n° 30, et la note ci-dessous). Jésus accepte, ô combien, qu’on puisse pleurer un mort, mais il n’admet pas qu’on puisse pleurer devant lui comme devant un mort…

JÉSUS AGIT

Compassion et tensions chez Jésus — Jn 11, 33-37 — Jésus, lui aussi, pleure un ami très cher. Il ressent douloureusement l’atteinte de la mort. « Ne pouvait-il pas, lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, faire aussi que celui-ci ne mourût pas ? Alors, Jésus, irrité à nouveau en lui-même, se rend au tombeau » (v. 37-38). Devant le spectacle du mal, on accuse Dieu de ne rien faire. Les juifs interprètent ce laisser mourir comme un signe d’impuissance… Mais Jésus n’accepte pas cette attitude, car, encore une fois, en sa présence, elle manifeste un manque de foi…

Appel à une foi qui agit — Jn 11, 38-41 — « Enlevez la pierre ! Marthe lui dit : il sent déjà, c’est le quatrième jour » (v. 39). Elle qui avait pourtant mis toute sa foi en Jésus, est comme prise de vertige devant les conséquences concrètes… Même la plus grande foi est encore en dessous de ce que Dieu veut donner. « Ne t’ai-je pas dit que si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ? » (v. 40). Jésus vole au secours de Marthe. Jésus demande une foi ferme, qui n’hésite pas, il le dit ailleurs (Mc 11, 23). C’est comme s’il demandait notre foi pour agir.

Prière de Jésus — Jn 11, 41-42 — « Père, je te rends grâce de m’avoir exaucé… » (v. 41-42). La prière de Jésus est toute simple, précisément parce qu’elle possède la certitude du Fils qui ne doute pas de son Père. C’est pourquoi Jésus commence par rendre grâce. Il redit que ce miracle a pour but d’ouvrir les disciples, les deux sœurs, les Juifs, nous-mêmes, à la foi en lui, qui est la Résurrection et la Vie. Le but de l’exaucement de la prière est la croissance de notre foi pour nous mener à l’amour de Dieu et non pas notre satisfaction personnelle…

Miracle de Jésus — Jn 11, 43-44 — « Lazare, viens dehors… Déliez-le et laissez-le aller » (v. 43-44). Un petit plus de vie terrestre, comme signe du don de la vie céleste ressuscitée. Ce faisant Jésus signe son propre arrêt de mort auprès de ses adversaires… Jésus veut passer par la mort physique pour nous libérer de la mort éternelle.

Le signe qui mène à la foi — Jn 11, 45-46 — « Beaucoup… qui avaient vu ce qu’il avait fait, crurent en lui » (v. 45). Toute cette méditation que nous donne saint Jean gravite autour de la question de la foi. La foi en l’Amour de Dieu plus fort que le Mal et la Mort. Elle nous aide, quant à nous, à croire sans voir, comme Jésus le dira à Thomas.

Notes

« Lorsqu’il la vit pleurer… JÉSUS FUT IRRITÉ INTÉRIEUREMENT ET S’INDIGNA » (v. 33). Ce n’est pas ainsi que traduisent les Bibles françaises actuellement en usage, mais cette traduction peut se justifier.

Le verbe grec embrimaomaï employé ici et un peu plus loin, exprime une réaction de colère ou d’indignation. C’est ainsi qu’il est traduit, dans ses trois seuls autres emplois dans le N. T. par « rudoyer » (Mt 9, 30, Jésus rudoie deux aveugles guéris; Mc 1, 43, il rudoie le lépreux guéri; Mc 14, 5, les apôtres rudoient la femme qui vient répandre du parfum sur la tête de Jésus, laquelle pourrait bien être Marie de Béthanie…). Ici, Jean nous dit que Jésus rudoie Marie en esprit, c’est-à-dire qu’il la gronde (autre signification du verbe embrimaomaï) intérieurement…

Le deuxième verbe grec, tarassô, qu’on voudrait rapporter à l’émotion de Jésus, est employé au ch. 5 pour désigner l’agitation de l’eau de la piscine de Béthesda; il « n’exprime jamais en Jean une réaction de sympathie mais d’effroi (14, 1. 27) et de répulsion devant sa propre mort (12, 27), devant la trahison (13, 21) » (H. Van den Bussche). On peut légitimement penser qu’il veut exprimer ici plus qu’une forte émotion, une agitation, un trouble qu’on pourrait appeler de l’impatience ou plutôt de l’indignation. Jésus accepte, ô combien, qu’on puisse pleurer un mort, mais il n’admet pas qu’on puisse pleurer devant lui comme devant un mort…