Le sel et la lumière

La montagne des béatitudes

« Moïse entra dans la nuée et monta sur la montagne », lit-on en Ex 24, 18, à la rencontre de Dieu. « Jésus monta sur la montagne » (5, 1). Sur la montagne des béatitudes, on sent qu’il y a une immédiateté inouïe entre la parole de Jésus et la parole même de Dieu, entre le Fils de Dieu et le Père. Si l’on se souvient que Jésus, pour Mt est l’Emmanuel (1, 23), on doit dire : sur la montagne des béatitudes, ce n’est pas un second Moïse qui s’adresse aux hommes, mais Dieu lui-même. Et comme ce grand ensemble de trois chapitres a été composé par Matthieu sur la base des paroles de Jésus, on doit toujours resituer les quelques versets proposés par la liturgie dominicale à l’intérieur de cet ensemble.

Écouter l’homélie

Sel et lumière, clé des béatitudes

Le sel de la sainteté (qui est pauvreté en esprit) a trois saveurs : l’humilité, le renoncement ou deuil des biens du monde, la faim et la soif de la justice (le désir de la sainteté). C’est le SEL, qui diffuse de l’intérieur, au niveau du CŒUR. Ce sont les RACINES cachées de la sainteté des disciples.

La lumière de la sainteté (qui attire la persécution) brille de trois éclats de justice : la miséricorde envers les pauvres, la pureté personnelle et conjugale, la construction de la paix… C’est la LUMIÈRE, qui brille extérieurement, et se traduit par des ACTES. Ce sont les FRUITS manifestés de la sainteté des disciples.

Jean : demeurer pour porter du fruit

Saint Jean exprime la même réalité d’une autre façon : « Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter de fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi. Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit et que vous soyez pour moi des disciples. » (Jn 15, 4-5.8).

La réalité de la vie chrétienne

Si nous vivons les béatitudes, nous sommes sel de la terre et lumière du monde. C’est notre mission de donner goût à ce que nous vivons dans le monde, de donner sens au vécu le plus ordinaire en le pénétrant de l’Esprit divin. C’est notre mission de faire rayonner ce vécu ordinaire jusque dans l’éternité, en le restituant à Dieu dans l’offrande du Fils au Père, l’eucharistie dominicale ou quotidienne. Tout vivre à la gloire et à la louange de Dieu, « pour la gloire de Dieu et le salut du monde ».

Un combat spirituel

« Si le sel se dénature, comment redeviendra-t-il du sel ? » (Mt 5) L’exigence de travailler avec ardeur à la « pauvreté de cœur » ne souffre pas de relâche. C’est une règle de vie qui nous motive pour avancer jour après jour. C’est pourquoi Jésus traduit en termes de combat spirituel bien des paroles qui suivent : le combat pour le pardon (Mt 5, 21-26) ; le combat pour la chasteté (Mt 5, 27-30) et le combat pour la fidélité dans le mariage (Mt 5, 31-32) ; le combat pour la vérité du langage (Mt 5, 33-37) ; le combat pour l’amour envers le malfaisant (Mt 5, 36-42) ; le combat pour l’amour envers l’ennemi (Mt 5, 43-48)… Le combat spirituel est comme une persécution qui vient de l’intérieur.

En vue de notre bonheur

Le but de l’homme c’est d’être heureux. « Jésus n’est venu que pour nous en donner le moyen » (Bossuet). Une certaine réussite, et même un vrai bonheur humain (et comment ne pas le souhaiter à tous), peuvent aussi enfermer dans la satisfaction de soi : chercher son bonheur, cela peut être perverti par la recherche de soi, par l’égoïsme. Le chrétien ne refuse pas le bonheur. Mais il sait que ce qui importe avant tout, c’est de dire oui au véritable amour, à l’école du Christ. Le chemin de l’amour est resserré et étroit (Mt 7, 14), exigeant et bousculant, mais il ne peut décevoir.

Une orientation pour la mission

D’autres versets bibliques du jour nous aident à placer ce bonheur dans une perspective missionnaire :

« Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable. Alors ta lumière jaillira comme l’aurore » (Is 58, 7).

« Je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu avec le prestige du langage humain ou de la sagesse. Parmi vous, je n’ai rien voulu connaître d’autre que Jésus Christ, ce Messie crucifié. » (1 Co 2, 1)

« Que votre lumière brille devant les hommes ; alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est dans les cieux. » (Mt 5, 16).