(17° D. TO. B — Jn 6, 1-15) La liturgie nous propose de passer de Marc à Jean. Pendant 5 dimanches successifs, nous allons méditer le chapitre 6 de saint Jean 1, en commençant aujourd’hui par le signe du pain surabondant.
Sur l’autre rive
À vrai dire, ce sont deux signes qui ouvrent ce chapitre : au sommet de la montagne, Jésus donne le signe des pains aux foules qui le suivent ; au bord de la mer, Jésus vient vers ses disciples en marchant sur l’eau. Ces deux signes s’articulent l’un sur l’autre pour nous conduire à l’accueil du Pain de Vie. Pour signifier cette nouveauté, l’évangéliste signale : « Jésus passa de l’autre côté de la mer de Galilée, le lac de Tibériade » (v.1), et il va répéter 3 fois : « sur l’autre rive » (vv. 17, 22, 25). Déplacement géographique ; mais aussi, invitation à entrer dans un mystère…
Les foules suivent Jésus sur la montagne
Une grande foule suit Jésus, à cause des signes de guérison, mais Jésus est entouré de ses disciples. Il gravit la montagne, s’assied, pour enseigner. Nous retrouvons cette même perspective au début du discours sur la montagne en Mt (5, 1 ; 15, 29), et elle souligne l’importance de l’enseignement qui sera donné. Ici, il s’agit des modestes hauteurs qui bordent le lac. La mention de la proximité de la Pâque juive nous situe au printemps, et en même temps, peut laisser entendre que Jésus va annoncer l’institution de la vraie Pâque…
Comment nourrir tous ceux qui sont là ?
Jésus dit à Philippe : « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? » D’une part, il sait déjà ce qu’il va faire ; d’autre part, il veut mettre ses disciples à l’épreuve. Il va falloir qu’ils apprennent à agir seuls, mais en s’appuyant sur sa présence. Ils ont un pas à faire. La question posée par André ne fait que mieux souligner le contraste entre le peu dont on dispose, et l’énormité du besoin 1 pour nourrir cette foule. Et pour que Jésus fasse l’impossible, il est nécessaire de lui apporter ce petit peu que nous pouvons fournir.
Le premier signe
L’ordre donné par Jésus de faire s’asseoir les gens signifie que l’on va manger. Et on nous donne ce chiffre étonnant de 5000 hommes (sans compter femmes et enfants, rajoute Mt 14, 21) pour lesquels Jésus va multiplier les cinq pains d’orge (nourriture de la classe pauvre) et les deux petits poissons (de friture ou de salaison). Le choc des chiffres est parlant en lui-même. Jésus va multiplier le peu qui est apporté
La description de l’attitude de Jésus est une relecture à la lumière de la Cène, et de la célébration liturgique. L’ordre de ramasser les morceaux qui restent « afin que rien ne soit perdu » est sûrement une attitude éco-responsable (!), mais surtout ici un rappel de la valeur de l’eucharistie à venir. Douze couffins… le chiffre 12 est symbolique du peuple de Dieu. Il reste tout ce qu’il faut pour continuer à nourrir tout le Peuple…
Enthousiasme des gens, mais refus de Jésus
L’enthousiasme général concerne l’événement extraordinaire vécu. Pour autant, la foule a-t-elle perçu le « signe » donné par Jésus ? Car c’est un signe : il nous renvoie à autre chose, l’eucharistie. Le lecteur de l’évangile, lui, peut faire ce lien. Mais, pas la foule qui vient d’être rassasiée, et qui voit, en Jésus, « le prophète qui doit venir dans le monde » 2. Et Jésus sait que beaucoup ne voient même pas jusque-là, et vont tenter une manœuvre politique pour en faire un roi. Jésus se dérobe, il s’enfuit, il n’est pas venu pour cela. Cette foule a une réaction magique (s’approprier la puissance). Le succès contient des tentations, Jésus s’éclipse.
Le deuxième signe
Les disciples embarquent sans Jésus ; la tempête survient sur le lac ; Jésus marche sur l’eau, et apparaît comme en majesté. N’y a-t-il pas une évocation de Jésus ressuscité ? Jésus maîtrise la mer, symbolique du repaire des puissances ténébreuses. Par sa résurrection, il nous partagera la Vie plus forte que la mort. Ainsi, ces deux signes sont à mettre en relation : Jésus y annonce l’eucharistie, nourriture de résurrection.
1Voir la PEB n° 43 Le Pain de Vie
1Un denier était le salaire moyen d’une journée de travail, d’après Mt 20, 2.
2Dt 18, 15-18 : la promesse faite par Yahvé d’envoyer au peuple un prophète semblable à Moïse.