Présence du Ressuscité au cœur du monde

(3° Dim. Pâques B — Lc 24, 35-48) Selon Luc, Jésus s’est manifesté à Pierre, ainsi qu’à deux disciples à Emmaüs, qui l’ont reconnu à la fraction du pain (24,35). Tous sont maintenant réunis, avec les autres disciples, à Jérusalem.

Jésus donne la paix

Jésus se tient au milieu d’eux, et cette position fait écho à sa parole lors de la Cène : 22,27 Eh bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. La présence du Ressuscité ne vient pas écraser les disciples d’une autorité incontestée et toute-puissante. Au contraire, elle est ici mentionnée avec beaucoup de simplicité et de sobriété : pas de lumière éclatante, pas de bruit, pas de voix céleste. Cela nous aide à croire en la présence du ressuscité dans nos situations d’aujourd’hui.

Le ressuscité est celui qui rejoint les siens, ou qui se tient déjà présent1 en apportant la paix par sa salutation. Cette paix offerte par le Ressuscité est cette même paix de Dieu que Jérusalem n’avait su déceler en lui : Ah ! si en ce jour tu avais compris, toi aussi, le message de paix ! Mais non, il est demeuré caché à tes yeux (19,42). Cette paix est d’origine divine et elle accompagne sa présence, c’est un critère sûr de discernement.

Mais les disciples sont troublés

Paradoxalement, malgré la salutation de paix, malgré l’expérience précédente des disciples d’Emmaüs (24,13-32) et de Pierre (24,33-35), les disciples sont saisis de frayeur et de crainte. Ils sont bouleversés2. Le trouble et la crainte soulignent la dimension divine liée à la présence du Ressuscité. Mais il y a également ces pensées d’un esprit fantomatique, qui surgissent dans les cœurs. Elles orientent vers le doute et le soupçon.

L’attitude des disciples, entre foi et soupçons, demande donc un éclaircissement quant à l’identité réelle et la condition de celui qui se présente à eux : est-ce le Fils de l’homme glorifié ? ou le fantôme de Jésus ? Ou pour le dire autrement : vient-il du Royaume de Dieu ou du royaume des morts ?

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Pour aller plus loin, il faut s’identifier

La réponse du ressuscité se fait en deux temps : l’exposition de ses plaies (24,39-40) ; et le repas (41b-43). Entre ces deux actes, la réaction ambiguë des disciples peut nous étonner : sous l’effet de la joie, ils ne croyaient pas encore (24,41a) .

Pas de reconnaissance faciale, mais l’exposition des plaies des mains et des pieds montre la correspondance entre le crucifié et le ressuscité : c’est bien le même Jésus, le même corps, donc un corps concret, palpable. Jésus n’est ni un « souffle » venant du Royaume des morts, ni une énergie paranormale, ni une réincarnation dans un autre corps.

En mangeant devant eux, Luc fait de la Résurrection non pas seulement une « apparition » en chair et en os, mais une participation. Il mange de leur poisson. Le Seigneur agit dans notre monde. Le champ d’action du Ressuscité est celui des hommes charnels. L’accueil dans la foi de la Résurrection ne se limite plus à une espérance spirituelle d’un au-delà, mais devient, à travers ce signe du poisson consommé – nourriture la plus commune et ordinaire à l’époque – le signe de la présence du Ressuscité à notre monde.

La cohérence des Écritures

Le Ressuscité leur demande, comme pour les femmes (24,6-7) et les disciples d’Emmaüs (24,19-25), un acte de mémoire, une anamnèse, un « raccord » avec le temps précédent. « « Voici les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : Il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. ».

La foi au Ressuscité est liée à toute l’Écriture. Car la Résurrection n’est pas un événement isolé mais un accomplissement, elle s’inscrit dans le cadre de la Révélation, de l’histoire sainte. Selon Luc, la mort et la Résurrection de Jésus ne peuvent être accueillies dans la foi, et saisies par l’intelligence, qu’en accueillant le caractère prophétique de toute l’Écriture. Le Christ crucifié-ressuscité est le seul qui puisse maintenant ouvrir le livre et en briser les sceaux (Ap 5,5).

À nous d’être les témoins de cette cohérence de la Révélation


1Les évangélistes privilégient un vocabulaire spatial : Jésus rencontre (Mt 28,9), s’avance (Mt 28,15), s’approche (Mt 24,15), vient (Jn 20,24.26) ou se tient là (Lc 24,36 ; Jn 20,14.19.26 ; 21,4).

2Les termes utilisés par Luc : saisis de frayeur (ptoèthéntes, πτοηθέντες), remplis de crainte (emphoboï, ἔμφοβοι), bouleversés (étarchthè, ἐταράχθη) ne sont utilisés, chacun, qu’une fois ailleurs dans l’évangile : lors de l’annonce à Zacharie (1,12), sur l’avènement du Fils de l’homme (21,9) et au moment de la découverte des deux hommes au tombeau vide (24,5). Ces trois moments expriment une intervention divine.