Que faire de l’expérience spirituelle ? Quelques clés pratiques de discernement
Père François-Régis WILHÉLEM Studium Notre-Dame de Vie Revue Carmel n° 144 (juin 2012), pp. 13-23
C’est un fait : aujourd’hui, on ressent la nécessité de vivre un chemin de fondation ou refondation de la foi, basé sur un « vécu » authentique, en même temps personnel et communautaire, orienté vers une annonce renouvelée de celle-ci. Dans un tel contexte, la question de « l’expérience spirituelle » apparaît comme un sujet incontournable de réflexion. Or, cette expression recouvre de multiples significations qui appellent une clarification. Pour ce faire, nous nous interrogerons tout d’abord sur la place de l’expérience dans la vie chrétienne, puis nous proposerons quelques critères de discernement.
La place de l’expérience spirituelle dans la vie chrétienne
Le « besoin » d’une expérience
Le grand théologien allemand H. U. Von Balthasar faisait jadis remarquer que, dans un contexte de sécularisation, « un moment d’expérience de foi semble être indispensable pour acquérir et conserver la foi chrétienne… L’expérience s’inscrit partout de nos jours en lettres capitales » 1. C’était également la conviction du vénérable P. Marie-Eugène de l’EJ., qui, dès 1966, s’exprimait ainsi : Je crois que l’ensemble des âmes, sans exiger d’avoir des phénomènes extraordinaires proprement dits, a besoin de cette expérience de Dieu par les dons du Saint Esprit que nous trouvons tout simplement dans l’oraison et la contemplation [… ]. La plupart des âmes [… ] qui veulent rester fidèles, surtout celles qui ont une mission d’apostolat, de soutien, de guide, de ferment [… ], qui doivent soutenir un milieu et une masse, me paraissent avoir besoin comme nécessairement de cette expérience de Dieu pour rester fermes. Ce qui apparaissait autrefois comme quelque chose d’extraordinaire, pour des âmes privilégiées, devient maintenant nécessaire pour tous les chrétiens qui veulent assurer d’une façon inébranlable, leur fidélité et en même temps être des appuis pour tous leurs frères 2.
Cette intuition s’inscrit profondément dans la tradition vivante de l’Église qui a toujours intégré l’expérience spirituelle, quoiqu’avec de notables différences selon les époques.
Si cette dernière est présente dans les grandes traditions de culte de prière, de pèlerinage, de spiritualité, comme dans les courants mystiques, l’Église s’est constamment efforcée de « tout examiner, avec prudence (cf. 1 Th 5,21), afin de discerner l’authenticité de ces jaillissements spirituels. Il est vrai qu’au cours des siècles cette indispensable prudence a pu parfois se révéler trop sévère et jeter un soupçon injuste sur l’expérience elle-même. Les historiens notent, par exemple, qu’à la fin du xviie siècle, si riche spirituellement parIant, la condamnation du quiétisme et de sa conception erronée de l’action divine, a entraîné une forte réaction anti-mystique extrêmement dommageable pour les développements à venir de la spiritualité catholique. Une telle réaction s’est trouvée renforcée par le rigorisme janséniste, ainsi que par le climat rationaliste du « Grand Siècle ». On se méfie alors de tout ce qui n’est pas directement sous le contrôle de la raison, notamment de l’aspect passif de l’oraison qui risque d’entraîner maintes illusions. N’a-t-on pas appelé ce siècle « le siècle des méthodes », sans d’ailleurs donner forcément à cette expression une connotation péjorative 3 ? On peut également relever les réticences excessives d’une certaine théologie néoscolastique (fin XIXe — début XXe) à l’égard de l’expérience spirituelle et ce, en raison de dérives — affectives ou autres — toujours possibles 4. Mais faut-il se méfier autant de la subjectivité, notamment sous son aspect affectif ?
L’affectivité dans l’expérience spirituelle
En contrepoint des réticences mentionnées, il faut prendre conscience que l’expérience de Dieu « concerne toutes les dimensions de l’homme, son corps, son affectivité, son intelligence, sa liberté, ses relations, son insertion dans le temps… 5 ». C’est pourquoi, dans la ligne du réalisme de l’Incarnation et de l’unité de la personne, il n’y a pas lieu de penser que l’expérience spirituelle est plus « pure » parce que la sensibilité et l’affectivité en ont été écartées. La vraie question est de savoir intégrer « ces dimensions de manière à la fois juste et dynamique dans l’unification, la croissance et la réalisation authentique de la personne 6 ». Ainsi, même lorsque la théologie mystique parle de « nuits », de « purifications », de « désolations », de « dérélictions » etc., ce vocabulaire n’indique pas une amputation de la sensibilité humaine — faite pour la joie et l’amour -, mais plutôt sa guérison son « réaménagement » vers une plus grande harmonie moyennant le travail de la grâce. Si donc « l’affectivité est une composante normale de la vie humaine, elle doit nécessairement trouver place dans la vie chrétienne 7 ». Dans ce sens, la tradition spirituelle n’a pas hésité par exemple, à développer le thème des « sens spirituels » 8 qui exprime le lien mystérieux entre les « sens intérieurs » et les sens extérieurs (cf. p. ex. « les yeux illuminés du cœur », Ep 1, 18) 9. Le vrai problème n’est donc pas « celui de l’intensité de l’affectivité dans le rapport à Dieu, mais de sa qualité. Se développe-t-elle au détriment ou au bénéfice de la personne, de sa liberté, de l’équilibre de ses relations, de sa vie théologale réelle 10 ? »
On le voit, l’expérience spirituelle soulève de multiples et complexes questions qui appellent un discernement affiné. Proposons simplement quelques pistes.
Quelques points de discernement
Le croyant peut-il savoir si l’Esprit et la grâce habitent en lui ?
Parmi les points à éclaircir, il en est un, à la fois théorique et pratique, qui domine : est-il possible de savoir si l’Esprit-Saint habite en nous, si nous sommes réellement dans la grâce ?
La question préoccupait déjà les Pères de l’Église en raison de certaines hérésies des premiers siècles 11. De façon nuancée et prudente, ils argumentèrent en se gardant bien d’identifier « la grâce de l’Esprit, Saint avec l’expérience psychologique de sa présence dans l’âme 12 ».
Au cours des siècles, la réflexion théologique est parvenue à la conclusion, qu’ici-bas, on ne peut parler d’expérience directe, immédiate, de Dieu. Ainsi par exemple, saint Thomas et la théologie classique à sa suite, la sagesse des saints 13, mais aussi le Concile de Trente 14, enseignent en effet, que l’âme ne peut avoir de certitude infaillible de la présence de Dieu et de sa grâce, mais simplement « une certaine connaissance expérimentale 15 ». Ceci signifie qu’à proprement parler, l’âme n’expérimente pas directement l’action de Dieu, mais, comme l’écrit le P. Marie-Eugène : « les vibrations produites en elle par cette action ». Et cet auteur de préciser : « Il est évident que l’action de Dieu par les dons [du Saint Esprit] est nettement distincte de l’expérience que nous pouvons en avoir, si bien que la première peut exister sans la seconde [… ]. Les communications directes de Dieu ne sont [… ] pas toujours accompagnées d’expérience 16 ».
Dans la connaissance mystique, c’est bien Dieu qui est « goûté » en quelque manière, mais toujours par la médiation de son effet créé dans l’âme, la grâce, la charité infuse. Ainsi, l’expérience spirituelle est-elle médiate, indirecte, conjecturale. « Conjecturale », c’est-à-dire perçue à partir de certains signes sensibles, mais surtout de comportements concrets témoignant d’une adhésion de foi et d’une réelle amitié avec le Seigneur 17. Le cardinal Journet explique à ce sujet :
À moins d’une révélation particulière, je ne puis avoir la certitude absolue, infaillible, que je suis dans l’état de grâce, et que je suis prédestiné. À certains de ses serviteurs, il arrive que Dieu fasse connaître qu’ils sont dans l’amour, qu’ils ne le perdront plus, et qu’il les prendra dans son paradis [… ]. Pourquoi, hors ce privilège, très exceptionnel, appelé « confirmation en grâce », ne pouvons, nous pas savoir de foi divine, que nous sommes dans la grâce ? Parce que la grâce étant une participation de la nature divine, qui la verrait directement, en verrait la Source même, à savoir le mystère insondable de Dieu. Et Dieu, ici-bas, n’est pas visible face, à, face [… ]. Donc, pas de certitude infaillible sur l’état intérieur de mon être par rapport au monde de la grâce ; mais une certitude pratique ou morale nous est indispensable, et celle-là ne nous est pas refusée. Comment se manifeste-t-elle ? Selon saint Thomas, je sais, d’une certitude morale, que je suis en état de grâce si les choses de Dieu remplissent mon cœur, apaisent ma faim [… ]. Saint Thomas donne encore un signe négatif ; n’avoir pas conscience d’un péché mortel. On trouverait aisément d’autres indications [… ]. Il faut ajouter, en outre, que Dieu, qui est caché dans l’âme, lui fait sentir secrètement sa présence, par des mouvements, des inspirations, des lumières… Cette connaissance est obscure, instinctive, parfois éblouissante, mais sujette à des oscillations 18.
Face à ces inévitables « oscillations » intérieures, l’attitude pratique consiste à ne pas se laisser impressionner par elles, pensant qu’elles reflètent l’état réel de la vie spirituelle. Pour éviter de se fourvoyer, un humble et paisible détachement de soi et de ses impressions est nécessaire. C’est ainsi que l’on acquiert une paix et une sécurité bien plus fiables que toutes les émotions issues de la sensibilité et de l’imagination. En effet, la véritable progression spirituelle dépend fondamentalement de la qualité de la foi qui, seule, permet la rencontre mystérieuse avec Dieu. C’est pourquoi, il est essentiel. de savoir distinguer ce qui constitue le cœur de la vie dans l’Esprit de ce qui est plus secondaire, comme certains phénomènes extérieurs qui l’accompagnent parfois.
Accueillir la grâce, sans se complaire dans les manifestations 19
Dans le livre II de la Montée du Carmel, au chapitre XI, Jean de la Croix explique que chez « les personnes spirituelles », toutes sortes de manifestations sensibles, plus ou moins extraordinaires, sont possibles et « même très fréquentes ». C’est ainsi qu’il évoque « des connaissances et des perceptions que l’entendement reçoit surnaturellement par l’entremise des sens corporels extérieurs : en voyant, en entendant, en sentant, en goûtant et en touchant ». Suit une étonnante énumération : apparitions, splendeurs, paroles, parfums, saveurs, délices… Le Saint précise alors : « Ces jouissances sensibles… procèdent de la dévotion et de la consolation sensibles, elles se manifestent plus ou moins selon les personnes, et d’une manière spéciale à chacune ». Quelques chapitres plus loin, le carme explique qu’habituellement Dieu « communique le spirituel en commençant par ce qu’il y a de plus extérieur, de plus palpable, de plus adapté aux sens, ayant égard à la faiblesse et au peu de capacité de l’âme [… ]. Elle s’habitue ainsi à ce qui est spirituel et s’achemine vers ce qu’il y a de plus substantiel dans la voie de l’esprit, c’est-à-dire vers ce qui est éloigné de tout le sensible [… ] 20. »
Jean de la Croix ne nie donc pas a priori la possibilité de tels phénomènes, mais apprend à les discerner et surtout à en faire un bon usage spirituel. C’est pourquoi il conseille de ne « jamais s’y fier » et même de les « fuir », et ce, quelle que soit leur origine (Dieu ou le démon), car, explique-t-il, plus ces grâces « sont extérieures et corporelles, plus il est douteux que Dieu en soit l’auteur ». En effet, « il y a toujours lieu de redouter que ces effets surnaturels soient plutôt l’œuvre du démon que celle de Dieu, l’esprit mauvais ayant plus de pouvoir sur les choses extérieures et corporelles que sur les intérieures, et y dressant plus facilement ses pièges 21 ». Le risque est donc grand d’être trompé par le démon, un de ses objectifs étant d’essayer de distraire l’âme par des phénomènes spectaculaires, la détournant ainsi de ce qui constitue le cœur de la vie spirituelle. Se focaliser sur les phénomènes, c’est courir le risque de les voir se multiplier et prendre des formes extérieures toujours plus déconcertantes, comme il arrive parfois de nos jours dans certaines assemblées de prière charismatique (par exemple : des mouvements désordonnés du corps, des spasmes, des cris étranges, etc.). Faire ainsi serait entrer dans une spirale sans fin de manifestations dont on se croirait, en outre, tenu de discerner les causes, y dépensant un temps et une énergie considérables, sans nécessairement y parvenir. Face à ce risque, Jean de la Croix invite à accueillir la grâce sans se complaire dans ses expressions plus extérieures 22.
Le don reçu porte l’empreinte de celui qui le reçoit
Dans l’interprétation des grâces et motions spirituelles, un adage philosophique bien connu apporte une lumière précieuse : « Tout ce qui est reçu, l’est selon le mode de celui qui le reçoit ».
Cet adage souligne que les résonances de la grâce chez une personne portent l’empreinte de ce qu’elle est, de son tempérament, de son histoire, etc. « Le soleil qui éclaire un paysage y brille en reflets différents selon les couleurs des objets qui reçoivent ses rayons », note le P. Marie-Eugène 23. La même action divine produit donc des effets divers selon les âmes 24. C’est pourquoi, il serait vain de vouloir apprécier la qualité d’une grâce en se fiant uniquement à ses résonances, forcément subjectives. Comme le fait encore remarquer le P. Marie-Eugène, l’action de Dieu produit
du surnaturel pur ; la traduction de cette action, surnaturelle par sa cause, est naturelle par l’activité des facultés qui s’y ajoute. Aussi, quand on examine une parole ou une vision, savoir si elle vient de Dieu est difficile [… ]. C’est pourquoi il y a beaucoup de dangers dans ces connaissances surnaturelles, si l’on s’y attache volontairement. Le premier de ces dangers est qu’on interprète [… ]. Ce qui interprète, [ce sont] nos goûts, nos idées personnelles, ou encore notre petit orgueil, notre petite sensibilité. On se donne un beau rôle et l’on agit en conséquence [… ]. La certitude, quand elle est possible à trouver, ne peut venir que de quelqu’un qui parle au nom de Dieu [… ] 25.
Un discernement spirituel s’avérera donc nécessaire, tout au moins à certains moments importants, pour découvrir l’œuvre propre de la grâce au milieu des différents mouvements intérieurs. Un tel discernement sollicite en même temps la foi et l’intelligence et peut nécessiter une vérification ecclésiale. Un passage célèbre de Jean de la Croix résume admirablement cela. À propos des révélations dans l’Ancien Testament, il écrit en effet :
Ce que Dieu disait alors n’avait force et autorité, et n’obtenait entier crédit, que par l’approbation qu’y donnaient les prêtres et les prophètes. C’est que Dieu aime extrêmement que les hommes soient dirigés et gouvernés par d’autres hommes, semblables à eux, et qu’ils se conduisent par la raison naturelle. Il veut absolument que ce qu’il nous communique surnaturellement ne reçoive de nous entière créance et ne nous inspire complète sécurité qu’après avoir reçu confirmation de la bouche de l’homme et par un canal humain. Aussi toutes les fois qu’il dit ou révèle quelque chose à l’âme, il incline cette même âme à le communiquer à qui de droit et elle n’est entièrement satisfaite que lorsqu’elle a reçu l’approbation d’un homme 26.
Dans la suite du texte, il montre que c’est la même loi qui prévaut dans le Nouveau Testament, et il cite notamment l’exemple de Paul qui, après sa conversion, s’en remet à Pierre et aux autres Apôtres « de peur de courir ou d’avoir couru en vain » (Ga 2,2).
Ainsi, quelles que soient les résonances intérieures de la grâce, l’essentiel est de ne pas se focaliser sur le phénomène, mais plutôt de repérer des effets durables dans la vie de la personne. Le critère le plus décisif reste donc celui des « fruits spirituels » (cf. Mt 7,16 ; Jn 15). Le principal d’entre eux est la charité, dont la fécondité se déploie de multiples façons (cf. Ga 5,22).
Sans épuiser le sujet du discernement, ces trop brèves réflexions ont voulu souligner qu’à l’heure de la nouvelle évangélisation, l’Église est plus que jamais interpellée sur sa capacité pastorale à accompagner les baptisés, comme aussi tous les « chercheurs de sens », sur les voies de l’expérience spirituelle.
Notes 1. H-U. VON BALTHASAR, La théologique, tome III : L’Esprit de vérité, Culture et Vérité, Bruxelles, 1996, p. 371. 2. Conférence du 19 août 1966, citée dans notre article : « L’expérience de Dieu au cœur de la mission », dans : Témoins dans l’Esprit Saint II (E. Michelin, dir.), Studium Notre-Dame de Vie, Collection Sorgues, Éd. Parole et Silence, Paris, 2009, p. 42-43. 3. Cf. Dom P. MIQUEL, Mystique et discernement, Éd. Beauchesne, Paris, 1997, p. 199.4. « Alors que l’Église catholique entrait dans la période moderne, la vigilance envers le danger potentiel d’une expérience subjective a parfois pris une forme plutôt exagérée dans la théologie néoscolastique de la fin du XIX° et du début du XX° siècles qui soutenait que la grâce n’est nullement une question de cognition psychologique », CONSEIL PONTIFICAL POUR LA PROMOTION DE L’UNITÉ DES CHRÉTIENS, Devenir Chrétien. Rapport de la cinquième phase du Dialogue international entre des Églises et des responsables pentecôtistes classiques et l’Église catholique (1998-2006), Service d’Information n° 129 (2008/III), § 175, p.199. 5. D. BIJU-DUVAL, L’effusion de l’Esprit. Une grâce à découvrir, Éd. de l’Emmanuel, Paris, 2008, p. 29. 6. Ibid., p. 30 ; v. du même auteur : Le psychique et le spirituel, Éd. de l’Emmanuel, Paris, 2001, p.117 s ; 302 s. 7. Cf. D. BIJU-DuVAL, L’effusion de l’Esprit, op. cit., p.32. 8. Parmi une littérature abondante, voir M. OLPHE-GALLIARD, « Les sens spirituels dans l’histoire de la spiritualité », dans Nos sens et Dieu, coll. Études carmélitaines, DDB, Paris, 1954, p. 179-193 ; M. CANËVET, DS, tome 14, col. 598-618, et dans ce numéro de Carmel, l’article de FLlPO, « Les sens spirituels », p. 80. 9. Cf. D. BIJU-DUVAL, L’effusion de l’Esprit, op. cit., p.31. 10. Ibid., p. 33. 11. Il s’agit du Montanisme et du Messalianisme. Le Montanisme, mouvement né au II° siècle, du nom du prêtre païen converti Montan, prônait un ascétisme préparant le retour imminent du Christ et exaltant le martyre ; il véhiculait également un prophétisme incontrôlé. Il prétendait incarner la seule véritable Église de l’Esprit. Quant au Messalianisme » (IV° siècle, du grec messalein : ceux qui prient), il prétendait chasser le démon de l’âme, lui permettant ainsi de recouvrer l’inhabitation de l’Esprit, uniquement par la prière du « Notre Père » et une pratique ascétique. C’était aller au-delà des sacrements et finalement de l’Église. L’irruption de l’Esprit accompagnée du don de l’apatheia (absence de passions, impeccabilité), était alors « confirmée » par des phénomènes extérieurs, des transes. 12. « S’opposant à eux, les Pères insistèrent sur le fait que l’union de l’âme orante avec Dieu s’accomplit dans le mystère, en particulier à travers les sacrements de l’Église. Elle peut ainsi se réaliser jusque dans des expériences d’affliction et aussi de désolation », CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Quelques aspects de la méditation chrétienne (1989), Téqui, Paris, 1989, § 9. 13. On connaît la réponse imparable de sainte Jeanne d’Arc à ses juges qui lui demandaient si elle pensait être en état de grâce : « Si j’y suis, Dieu m’y garde ; si je n’y suis pas, Dieu m’y mette ! ». 14. Le Concile s’opposa à la position des Réformateurs protestants qui défendaient la certitude absolue et subjective du salut, cf DENZINGER, n° 1534. 15. Somme théologique, la, q. 43, a. 5, ad 2. 16. P. Marie-Eugène de EJ., Je veux voir Dieu, Éditions du Carmel, Toulouse, 1998, p. 314. 17. Cf. Somme théologique, la IIae q. 112, a. 5. 18. C. JOURNET, Entretiens sur la grâce, Saint Augustin, Saint Maurice (Suisse), 1995, p.114-117. 19. Les lignes qui suivent s’inspirent en partie de deux de nos études : « La vie dans l’Esprit. Critères de discernement », publiée dans : CONFÉRENCE DES ÉVÉQUES DE FRANCE, Les nouveaux courants charismatiques. Approches. Discernement. Perspectives, Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, Paris, 2010, p. 101s. et Renouveau dans l’Esprit. Le temps des discernements, Petits Traités spirituels, Éd. des Béatitudes, Nouan-le-Fuzelier, 2007, p. 35-68. 20. Montée du Carmel 2, 17, 5, p. 702-703. Nous citons d’après Jean de la Croix, Œuvres Complètes, Éditions du Cerf, Paris, 1997. 21. Montée du Carmel 2, 11, 2- 3, p. 667 s. 22. Cf. Montée du Carmel 2, 11, 6, p. 669 et 2, 11, 10, p.697. 23. Je veux voir Dieu, p. 517. 24. C’est ainsi, par exemple, que « Jean de la Croix capte surtout la lumière et signale les effets privatifs qu’elle produit dans l’entendement et la connaissance amoureuse qui les accompagne dans le fond de l’âme ; sainte Thérèse capte surtout la saveur de l’amour… », ibid. 25. Retraite à Notre-Dame de Vie, conférence (1) du 21 Juillet 1936, texte inédit. 26. Montée du Carmel 2, 22, 9, p. 738.